La ville de Mossoul libérée, il reste encore beaucoup à faire pour vaincre l’État islamique en Irak

Le 4 juillet 2014, Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État islamique (EI ou Daesh), s’auto-proclamait « calife » et « commandeur des croyant » depuis la mosquée al-Nouri de Mossoul, lors de sa seule apparition publique. Un peu plus de trois ans plus tard, et après 9 mois de combats intenses et meurtriers, le Premier ministre irakien, Haïder al-Abadi a annoncé la libération de la ville, contrôlée par les jihadistes depuis trois ans, et félicité les « combattants héroïques et le peuple irakien pour cette victoire majeure. »

En réalité, les opérations pour reprendre Mossoul à l’EI avaient commencé bien avant le 17 octobre 2016, date du début de l’offensive terrestre lancée par les forces irakiennes, jugées suffisamment préparées pour une telle épreuve.

Auparavant, la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis (Inherent Resolve) avait préparé le terrain lors d’une phase de préparation et de renseignement (shapping) ayant consisté à entraver la liberté de mouvement des jihadistes aux alentours de la ville. Dans le même temps, les forces irakiennes, formées et entraînées par des instructeurs occidentaux, s’employèrent à chasser l’EI de plusieurs localités, dont Tikrit, Ramadi et Falloujah.

Cette bataille urbaine, la plus longue depuis celle de Stalingrad (1942-43), s’est déroulée conformément à la planification initiale, même si certaines phases ont pris plus de temps que prévu. Les forces irakiennes, toujours appuyées par les moyens aériens et l’artillerie de la coalition (dont 4 CAESAR français), ont d’abord reconquis la partie orientale de la ville (traversée du nord au sud par le fleuve Tigre) avant de se concentrer, à partir de février, sur la partie occidentale et la médina (vieille ville).

Durant les combats, les jihadistes, à qui al-Baghdadi avait donné l’ordre de se battre jusqu’au dernier, ont usé de moyens mêlant rusticité et technologie, avec des tireurs d’élite, des « kamikazes« , des drones bricolés pour emporter des charges explosives, des véhicules blindés pour commettre des attaques suicides. Le tout en privilégiant la mobilité et après avoir eu le temps de préparer soigneusement leurs défenses (tunnels, pièges, etc…).

Et, comme l’a souligné un premier RETEX (retour d’expérience) de l’armée australienne, ils ont « utilisé leur connaissance de notre adhésion aux lois des conflits armés » (du moins celle de la coalition) pour se prémunir des attaques aériennes en se protégeant derrière les civils. Le même document a aussi insisté sur le « Darwinisme », c’est à dire que dans ce type d’opération, « ce n’est pas le plus fort qui survit… mais celui qui sait s’adapter. »

En outre, si l’EI a commis des exactions au cours de la bataille, notamment en cherchant à empêcher les civils de fuir, certaines unités irakiennes – à dominante chiite – ont été soupçonnés de s’être livrées à des exécutions sommaires ainsi qu’à des actes de torture. Ce qui ne facilitera évidemment pas la phase de reconstruction.

« Notre priorité était de tenir compte de la présence d’un grand nombre de civils dans Mossoul, et ç’a été notre préoccupation tout au long de la bataille », a cependant affirmé le général al-Saadi, le numéro deux des forces antiterroristes irakiennes (ICTS), dans les colonnes du Figaro. « Notre deuxième limite était a volonté de préserver la vie de nos soldats. Et enfin, nous avons tout fait pour limiter les dégâts au minimum pour les infrastructures. On a réussi, en ce qui concerne les civils [ndlr, 700.000 déplacés à ce jour], à maintenir les pertes au plus bas, un peu moins en ce qui concerne les dégâts à la ville », a-t-il résumé.

Cela étant, ce n’est pas encore tout à fait terminé à Mossoul. De l’aveu même du général al-Saadi, il reste un « peu plus d’un millier » de jihadistes, « en comptant leur famille ». Et d’ajouter : « ils sont dans un périmètre d’environ 200 mètres de long sur 50 de profondeur. Ils sont le dos au fleuve et n’ont nulle part ou aller. »

Même si, comme l’estime le numéro deux de l’ICTS, Daesh « n’a plus les moyens de revenir », les jihadistes peuvent toujours mener des opérations ponctuelles, comme cela a été le cas le 25 juin dernier avec l’attaque, grâce à des complicités locales, des quartiers de Tanak et de Yarmouk, situés à l’ouest de Mossoul, ou encore le 7 juillet, avec un assaut donné contre le village d’Imam Gharbi, non loin de la base américaine de Qayyarah (Q-Base).

Ce genre d’attaque continuera tant que l’EI gardera le contrôle de plusieurs localités situées entre la frontière syrienne et la province irakienne d’al-Anbar. Enfin, il est probable que l’organisation jihadiste cherchera à mener des actions de guérilla, ce qui compliquera les opérations de reconstruction dans la région, dont le financement n’est, à ce jour, pas arrêté.

Mais la question essentielle reste la gouvernance future de Mossoul, avec, en toile de fond, la rivalité entre chiites et sunnites et les envies d’indépendance du Kurdistan irakien. La mise à l’écart de la population sunnite, comme en 2013, associée à la lenteur de la reconstruction et aux difficultés pour assurer les besoins élémentaires des civils, constituerait un argument de poids pour les recruteurs de Daesh.

« Nous ne sommes pas en sécurité, les gens ont peur. Les chefs de Daesh sont toujours là et ils peuvent recruter à nouveau. Personne n’a pensé à l’après, aux suites de cette bataille », a d’ailleurs estimé un habitant, d’après le quotidien Libération.

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