La menace cyber fait peser un risque sur la crédibilité de la dissuasion nucléaire

 

Plusieurs menaces sont susceptibles de porter atteinte à la crédibilité des forces stratégiques françaises. Et leur prise en compte justifie la modernisation de ces dernières. Dans leur rapport qu’ils ont publié cette semaine, les sénateurs Xavier Pintat et Jeanny Lorgeoux en pointé plusieurs, comme la prolifération des systèmes de défense aérienne performants, la militarisation de l’espace exo-atmosphérique, avec la possible destruction (ou le piratage) de satellites assurant les fonctions intéressant la dissuasion (observation, écoute et télécommunication) ou encore les cyberattaques.

Pour ces dernières, il y a au moins deux types de menaces. La première porte sur les systèmes de commandement, de contrôle et de liaison d’information « utilisés dans le cadre de la dissuasion », lesquels, avancent les rapporteurs, « peuvent être vulnérables à des attaques cyber de grande ampleur qui auraient pour objet de rendre inopérant l’ordre nucléaire. »

Évidemment, cette menace est prise « très au sérieux » et « l’évolution des systèmes vers une plus grande ouverture et donc une plus grande vulnérabilité impose une vigilance accrue de la part de la Direction générale de l’armement [DGA], et des industriels. La sécurité de systèmes de plus en plus complexes et robustes s’est imposée ces dernières années au coeur des enjeux techniques liés à la dissuasion. Ce risque est effectivement pris en compte techniquement et organisationnellement », écrivent MM. Pintat et Lorgeoux.

L’autre menace est sans doute plus difficile à maîtriser car elle ne concerne pas uniquement les armées mais aussi et surtout les industriels impliqués dans la dissuasion nucléaire.

« Les capacités d’extraction de données à distance et les techniques informatiques d’espionnage industriel posent le problème du risque de diffusion de technologies proliférantes et d’une attrition de la crédibilité de la dissuasion liée au secret et à la complexité des systèmes utilisés », soulignent en effet les deux sénateurs.

Or, même si il y a eu des efforts acccomplis au cours de ces dernières années, il reste encore du chemin à faire à en croire le rapport. « La conscience et la connaissance de la menace informatique semblent être encore bien en-deçà de ce qu’elles devraient être chez les industriels », peut-on y lire.

Cela étant, admettent les rapporteurs, le centre DGA « Maîtrise de l’information » de Bruz, la Direction de la protection des installations, moyens et activités de la Défense (DPID) et la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD, ex-DPSD) « consacrent des moyens importants au renforcement de la cyberdéfense des administrations et des opérateurs d’importance vitale ».

Plus généralement, le rapport pose la question de savoir si une frappe nucléaire peut éventuellement répondre à une cyber-attaque de grande ampleur, qui paralyserait le pays et mettrait à bas son économie. « La difficulté d’appliquer les principes traditionnels de la dissuasion au cyberespace tient à la disproportion entre le type d’attaque et les représailles encourues, ainsi qu’à la problématique de l’attribution des attaques informatiques, qui n’est pas résolue à ce jour », relèvent MM. Pintat et Lorgeoux.

Cela étant, une telle réponse n’est pas totalement exclue car, pour « certains experts », la doctrine nucléaire française est « suffisamment flexible pour prendre en compte ce type de configuration. » En effet, ce qui est pris en compte, c’est la nature de l’attaque (contre les « intérêts vitaux ») ainsi que son « origine étatique » et non les moyens utilisés pour la mener.

Lors de son discours prononcé à Istres en février 2015, le président Hollande laissa entendre qu’une cyberattaque susceptible de porter atteinte aux « intérêts vitaux » de la France pourrait concerner la dissuasion.

« L’intégrité de notre territoire, la sauvegarde de notre population constituent le coeur de nos intérêts vitaux. Quels que soient les moyens employés par l’adversaire étatique, nous devons préserver la capacité de notre nation à vivre. Tel est le sens de la dissuasion nucléaire », avait-il affirmé.

Plus récemment, en décembre 2016, l’ex-minisitre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait déclaré, lors d’une visite au centre DGA « Maîtrise de l’information » de Bruz, que « si une attaque cyber s’apparente à un acte de guerre, notamment par la gravité de ses effets, une riposte adéquate s’imposera, au-delà même de la neutralisation des seules infrastructures impliquées, dans une logique cette fois de conflit ouvert. »

Mais quelques jours plus tard, toujours à propos d’une possible attaque cyber contre la France, M. Le Drian précisa, dans les colonnes du Journal du Dimanche, que « la France se réservait le droit de riposter tous les moyens qu’elle juge appropriés. » Et d’ajouter : « Cela peut passer par l’arsenal cyber dont nous disposons mais aussi par des moyens armés conventionnels. Tout dépendra des effets de l’attaque. »

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