Les sénateurs sont très réservés sur le service militaire universel proposé par M. Macron

Le 18 mars, lors de présentation de la politique qu’il entendait mener en matière de défense, Emmanuel Macron avait surpris du monde en évoquant l’idée d’instaurer un « service militaire universel », d’une durée de seulement un mois et devant être effectué par tout jeune dans les trois années suivant son 18e anniversaire.

Et le futur président de la République d’expliquer que le coût de ce retour à la conscription devait être, qu’il avait évalué à 5/20 milliards d’euros pour sa mise en place et à 2/3 milliards d’euros par an en rythme de croisière, n’allait pas être financé par le ministère de la Défense (devenu des « Armées » depuis).

Puis, devant l’incrédulité suscitée par cette annonce, dont le but était de permettre au jeunes Français de faire « de la mixité sociale et de la cohésion républicaine » et de « détecter les difficultés, notamment l’illettrisme » afin de proposer une remise à niveau si nécessaire, M. Macron donna une estimation revue nettement à la baisse de ce coût, tout en précisant qu’il comptait utiliser « au maximum les infrastructures scolaires et universitaires » pendant les vacances scolaires pour accueillir les 600.000 conscrits potentiels.

Seulement, et au-delà des aspects comptables, un tel projet ne serait pas neutre pour les armées dans la mesure où elles seraient sollicitées pour fournir les personnels nécessaires à l’encadrement des jeunes appelés. Et c’est ce qu’ont tenu à souligner les sénateurs Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner, auteur d’un rapport plaidant la nécessité de porter à 2% du PIB le budget de la mission Défense d’ici 2022.

En premier lieu, pour les deux parlementaires, ce service universel n’a aucun utilité d’un point de vue militaire et relève ainsi « d’un
projet de société bien plus que d’un enjeu de défense. »

Et de rappeler que « la conscription avait été instaurée, initialement, pour répondre à un besoin militaire, son impact social bénéfique constituant, en quelque sorte, une conséquence secondaire, au profit du lien social. » Aussi, ajoutent-ils, « si la visée sociale devient première, encore faudrait-il déterminer précisément la vocation exacte du dispositif » car ce dernier « ne doit pas avoir pour effet secondaire d’ébranler les capacités opérationnelles des armées. »

D’autant plus que les armées sont déjà sollicitées pour des dispositifs existants, comme le Service militaire volontaire (SMV), créé en 2015, le « volontariat militaire d’insertion (VMI) ou encore le Service militaire adapté (SMA), qui concerne uniquement l’outre-Mer.

Mais au-delà de cet aspect, les deux sénateurs redoutent que « l’éventuelle instauration d’un nouveau service national universel et obligatoire » puisse « tuer dans l’œuf » la remontée en puissance des moyens des armées qu’ils appellent de leurs voeux. Tout simplement parce que « l’encadrement d’une classe d’âge, même contenue à 600 000 personnes par an ne pourra pas être assuré au seul niveau des effectifs actuellement programmés pour nos armées, déjà sur-engagées sur le territoire national comme en opérations extérieures et, notamment, mobilisées par la reconstitution – recrutement et formation – de la force opérationnelle terrestre (FOT). »

« Même avec un taux d’encadrement de l’ordre de 30 % seulement, correspondant à celui qui est actuellement en vigueur pour les classes d’incorporation et qu’on peut tenir pour légitime s’agissant d’un dispositif qui ne viserait pas spécifiquement des jeunes en difficulté, exigerait de mobiliser, au minimum, quelque 16 000 à 18 000 encadrants – auxquels il faudrait ajouter les personnels de direction et de sélection », expliquent MM. Raffarin et Reiner. Et de conclure : « Il s’agirait d’un effort colossal en termes de ressources humaines, dont on peut craindre qu’elle absorbe l’énergie des armées. »

S’agissant du coût de ce service universel, et sans parler de celui lié aux infrastrutures, il devrait être effectivement compris entre 2 et 3 milliards d’euros… Mais sur une année. Selon les deux rapporteurs, s’il s’agit d’accueillir les conscrits uniquement « pendant les périodes de vacances scolaires, à titre principal durant l’été probablement », alors « le coût d’accueil devrait se révéler sensiblement plus élevé – et les difficultés d’organisation, pour les armées, plus grandes encore. »

Toutefois, si la conscription doit être restaurée sous cette forme, les sénateurs veulent éviter que la future Loi de programmation militaire (LPM) soit « exposée au risque d’éventuels ajustements que requerrait la couverture des besoins tenant au nouveau service national obligatoire – d’autant que, dans cette hypothèse, l’ajustement serait probablement effectué au détriment du programme d’équipement des forces, habituelle variable d’équilibre. »

Aussi, ils proposent la création, dans l’architecture générale du budget de l’État, d’une « nouvelle mission ad hoc, laissée en dehors du périmètre de ressources couvert par la programmation militaire », afin de garantir la séparation des budgets.

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