La Centrafrique risque à nouveau « l’instabilité généralisée » et « l’embrasement », prévient l’ONU

Ces dernières semaines, la Centrafrique a connu une flambée de violences, en particulier à Alindao, Bangassou, Mobaye et Bria, dans l’est du pays. Les affrontements signalés dans ces localités, à l’origine de la fuite de près de 90.000 civils en 15 jours, seraient le fait d’éléments appartenant à des groupes d’autodéfense anti-balaka, désignés ainsi « parce que généralement associés à la coalition du FPRC [Front populaire pour la Renaissance de la Centrafrique] », relève le dernier rapport sur la situation centrafricaine remis au Conseil de sécurité par Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies.

Ces combattants « anti-balaka » ont « multiplié les attaques contre l’UPC [Union pour la paix en Centrafrique] et les membres de l’ethnie peule », peut-on lire dans le ce document. Le 13 mai, après avoir tendu une embuscade à un convoi de la MINUSCA [Mission multidimentionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation de la République centrafricaine, ndlr], ils ont visé le quartier majoritairement musulman de Tokoyo, à Bangassou (115 tués et 64 blessés).

Et cela a donné lieu, trois jours plus tard, à Bria, à des combats entre les anti-balaka et des éléments armés de la communauté arabe, dirigée par Ahmat Issa (49 tués, 38.267 personnes déplacées).

Ces violences, pour schématiser, sont dues à l’opposition du FPRC, dirigé par Nouredine Adam, et de l’UPC d’Ali Darass. Ces deux groupes faisaient partie de la coalition rebelle de la Séléka, à l’origine, en 2013, de la chute du président Bozizé et responsable, pour une large part, des exactions commises par la suite en Centrafrique.

Le FPRC compte plusieurs alliés, dont ce groupe anti-balaka évoqué par le rapport de l’ONU et Mouvement Patriotique pour la Centrafrique (MPC), dirigé par Al Katim. Son opposition à l’UPC a été à l’origine de combats dans le secteur de Bambari (centre). Combats qui ont contraint la MINUSCA à intervenir de façon musclée pour rétablir l’ordre.

Seulement, malgré la présence renforcée de la mission des Nations unies, la coalition constituée autour du FPRC a continué de mener ses actions, notamment en cherchant à contrôler les routes principales ainsi que le site minier de Nzacko. Ce qui a donné lieu à des représailles exercées par l’UPC et les groupes armés Peul qui lui sont affiliés.

Cela étant, le mouvement de Nouredine Adam ne cesse d’accroître son influence. « L’État ayant perdu le contrôle des préfectures du centre et de l’est, le FPRC et le MPC y établissent progressivement des structures administratives parallèles. Des éléments armés prétendent assurer le maintien de l’ordre en détenant et en condamnant illégalement les personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions et en leur extorquant de l’argent », avance le rapport rendu par M. Guterres.

Et ce dernier de détailler : « Le FPRC (à Ndélé et Birao) et le FPRC/MPC (à Kaga Bandoro) occupent les locaux de la gendarmerie, avec leurs armes et leur uniforme, procèdent à des arrestations illégales et prononcent des peines arbitraires pour les infractions incriminées. À Nzacko, dans la préfecture du Mbomou, les éléments du FPRC supervisent les activités de la gendarmerie, de la police, des douanes et des sites miniers. Le FPRC a récemment fourni du carburant et des médicaments à l’hôpital préfectoral de Ndélé, menaçant de prendre en main l’administration de l’hôpital si l’État ne palliait pas le manque de moyens. Dans la préfecture de la Vakaga, le FPRC a renforcé sa présence le long des frontières avec le Tchad et le Soudan afin de contrôler la circulation transfrontière des biens et des personnes. »

Par ailleurs, outre ces combats entre la coalition du FPRC et de l’UPC, qui se disputent des « territoires riches en ressources », il faut compter aussi sur la présence d’autres groupes armés et criminels, dont l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), d’origine Ougandaise.

« Je suis préoccupé par l’instabilité généralisée et par la persistance des violations des droits de l’homme en République centrafricaine, de même que par les attaques ciblant des soldats de la paix des Nations unies dans le sud-est du pays », a par conséquent écrit M. Guterres dans son rapport.

« J’exhorte les partenaires régionaux et sous-régionaux à redoubler d’efforts », a-t-il ajouté, avant de leur demander de « tout faire » pour éviter que les rebelles de la LRA bénéficient de « l’appel d’air » créé par le retrait des troupes ougandaises et des forces spéciales américaines, alors déployées dans le sud-est de la Centrafrique pour traquer, sans succès, Joseph Konny, le chef de l’Armée de résistance du Seigneur.

Le Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a exprimé les mêmes craintes que M. Guterres dans son bulletin mensuel publié en mai. « Pour la première fois depuis août 2014, le nombre des déplacés a dépassé la barre des 500.000 personnes », a-t-il indiqué. Et de faire observer que « les affrontements prennent de plus en plus une connotation religieuse et ethnique », ce qui est « alarmant, car c’est sur cette base que le pays a sombré en décembre 2013 », ce qui avait motivé l’opération française Sangaris.

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