Mme Goulard s’engage sur un budget des armées à 2% du PIB d’ici 2025 en y mettant un bémol

Invitée du « Talk stratégique » diffusé par le site Internet du quotidien « Le Figaro », Sylvie Goulard, la ministre des Armées, n’a pas manqué d’être interrogée sur les moyens qui seront alloués, au cours de la prochaine législature, aux forces françaises. Et cela, alors que l’on a appris, cette semaine, que Bercy avait gelé un peu plus de 2,6 milliards d’euros de crédits affectés à la mission « Défense » dans le cadre de la loi de finance 2017.

Sur ce point, Mme Goulard a répété les explications que son cabinet a livrées, c’est à dire que ces mesures de gel et de mise en réserve de crédits, « assez classiques », ont été décidées par « l’équipe précédente ». Et « 2,6 milliards, ce n’est pas une somme négligeable », a-t-elle souligné.

Cela étant, Mme Goulard a aussi rappelé l’engagement pris par le président Macron – engagement qu’il a encore réaffirmé lors du dernier sommet de l’Otan – consistant à porter le budget des armées à 2% du PIB d’ici 2025 (soit 50 milliards d’euros, hors pensions et hors surcoût des opérations extérieures, ndlr).

« Cela suppose une montée en puissance. Je tiens à rappeler qu’on avait eu aussi une décélération considérable », a dit Mme Goulard, citant des « programmes qui n’ont pas été effectués, des forces qui ont été réduites, des bases aériennes qui ont été fermées et des équipements qui n’ont pas été achetés ». Aussi, a-t-elle continué, « quand vous inversez la tendance, il est extrêmement important de voir comment recréer ces marches et ce n’est pas une question simple. »

Et d’ajouter : « Nous devons voir comment combiner cet objectif [des 2% du PIB d’ici 2025], sur lequel il n’y a aucun doute, avec les effets de politiques qui, pendant des années, ont été restrictives ». En outre, la ministre a estimé que le « rattrapage » de ces dernières années a été « assez artisanal », avec des conclusions de Conseil de défense n’ayant pas été introduites dans la loi de finance.

Pour rappel, le chef d’état-major de armées (CEMA), le général Pierre de Villiers, souhaite que le budget de la Défense soit porté à 2% du PIB (pensions comprises) d’ici 2022. Un « effort de guerre » nécessaire, entre autres (la liste n’est pas exhaustive) pour le renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire, l’accélération du programme Scorpion pour l’armée de Terre, l’amélioriation de l’aéromobilité, le renforcement de la flotte dite de souveraineté (patrouilleurs) ou encore la « recapitalisation organique » de l’armée de l’Air.

Quoi qu’il en soit, Mme Goulard a assuré qu’elle aurait un esprit « combatif » lors des prochaines discussions budgétaires. Seulement, et cela fait penser à Hervé Morin, ministre de la Défense lors du quinquennat de M. Sarkozy, elle a aussi dit qu’elle essaierait « d’être quelqu’un de responsable ».

« Je m’occupais de finances auparavant, au niveau européen. Je sais la contrainte qui pèse sur le gouvernement. […] Il ne faut pas oublier l’équipe ‘France’ et l’équipe ‘France’ sous la responsabilité d’Édouard Philippe [le Premier ministre, ndlr] doit aussi assurer sa crédibilité. […] Nous atteignons des niveaux de dettes qui ont été dénoncés […] par certains candidats à l’élection [présidentielle]. Je crois qu’il ne faut pas oublier que nous avons un effort de remise à flot des finances publiques, dans lequel la Défense conservera bien évidemment un caractère tout à fait prioritaire », a expliqué Mme Goulard.

« Mais ça amènera des arbitrages douloureux sur lesquels je ne veux pas anticiper. C’est la responsabilité du Premier ministre et c’est aussi la responsabilité du Parlement. Nous mettrons en chantier une nouvelle Loi de programmation militaire, avec les Parlementaires », a ajouté la ministre des Armées, avant de rappeler que « c’est le Parlement qui vote la Loi de finances » (et qu’il aura donc le dernier mot).

Au passage, s’agissant des discussions budgétaires, il ne faudra pas perdre de vue que, en 2016, le montant de la dépense publique française s’est elevé à 57,7% du PIB. Un chiffre à comparer au 1,7% du PIB que représente le budget du ministère de la Défense, qui, pendant des années, a supporté une bonne part des efforts visant à redresser les comptes publics.

Par ailleurs, Mme Goulard a également évoqué le sujet de la Défense européenne. Saluant le « changement culturel » opéré par la Commission de Bruxelles sur les questions de défense, avec la mise en place d’un fonds visant à financer les efforts de recherche, la ministre des Armées a estimé, s’agissant du volet capacitaire, qu’il serait souhaitable « à terme », que « nous achetions du matériel en concertation les uns avec les autres », ce qui « obligera à « casser certaines routines et certaines facilités industrielles ».

Ce qu’elle « assume » car, a-t-elle continué, « si nous voulons faire l’Europe de la Défense, il va y avoir des restructurations à opérer, des choix de compatibilité [à faire] et, à terme, des choix de souveraineté augmentée qui pourraient passer dans un premier temps pour aboutir à privilégier des consortiums dans lesquels les Français ne sont pas toujours leaders. »

« Bien évidemment, nous défendrons, tant que possible, les intérêts français mais je crois qu’il faut comprendre que l’on entre dans un jeu collectif, dans une autre logique et qu’à terme, nous en cueillerons les fruits », a fait valoir Mme Goulard.

Sur ce point, on peut afficher une certaine réserve. En matière d’armement, des décisions prises au niveau européen n’ont pas toujours été les plus heureuses. Par exemple, les responsables français qui, il y a 27 ans, refusèrent d’entrer dans le programme ACE (qui deviendra l’Eurofighter) pour développer le Rafale auront fait le bon choix…

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