Le chef de l’opération Sophia estime que le trafic de migrants est un « crime contre l’humanité »

Lancée en juin 2015, l’opération navale européenne EUNAVFOR Sophia avait pour objectif de « casser » le modèle économique du trafic de migrants depuis la Libye. Seulement, faute de pouvoir opérer dans les eaux territoriales libyennes, l’effet inverse s’est produit.

Loin de se tarir, le flux de migrants tend même à s’accentuer entre les deux rives de la Méditerranée (+50% par rapport aux premiers mois de l’année 2016). Tout simplement parce que les passeurs ont fini par s’adapter à la nouvelle donne. Désormais, ils envoient des embarcations pleines de migrants avec juste assez d’essence pour atteindre les limites des eaux internationales. À charge ensuite aux navires militaires européens, ainsi qu’à ceux affrétés par des organisations humanitaires, de les récupérer.

Pour contourner ce problème, l’opération Sophia a mis l’accent sur la formation des garde-côtes libyens. Mais là encore, cela ne règle pas tout étant donné la situation politique extrêmement compliquée que connaît la Libye…

D’où la proposition faite le 8 juin par l’amiral italien Enrico Credendino, qui commande l’opération Sophia. « Le trafic de migrants tel qu’il a lieu en Libye devrait être reconnu comme un crime international, un crime contre l’humanité », a-t-il en effet déclaré, évoquant les exactions commises contre les candidats à l’émigration retenus sur le territoire libyen.

« Il y a eu plus de 5.000 morts en Méditerranée l’an dernier, et nous ne savons rien sur le Sahara mais nous pouvons considérer que c’est au moins le même chiffre, si ce n’est plus », a affirmé, de son côté, Robert Crepinko, chef de l’unité de lutte contre le trafic de migrants à Europol.

Considérer le trafic de migrants comme étant un crime contre l’humanité permettrait de faciliter la lutte contre les passeurs. Elle « obligerait les pays africains qui ne considèrent pas encore ce trafic comme un crime à agir, tandis que les enquêteurs n’auront plus à se préoccuper des délais de prescription », a fait valoir M. Crepinko.

Ces propos ont été tenus lors d’une réunion organisée à Rome pour améliorer la coordination entre les différents acteurs engagés en Méditerranée centrale dans la lutte contre les passeurs et le sauvetage des migrants.

La proposition faite par M. Credendino pourrait être soumise aux Nations unies. Cela étant, il n’est pas le seul à l’avoir avancée. En mai, Mme le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a indiqué, devant le Conseil de sécurité, envisager d’ouvrir une enquête sur le trafic de migrants en Libye, qu’elle a qualifié de « marché » pour la traite des êtres humains.

« Des milliers de migrants, dont des femmes et des enfants, sont retenus dans des centres de détention en Libye où les crimes, y compris meurtres, viols et actes de torture, sont présumés monnaie courante », a souligné Mme Bensouda. La CPI « examine soigneusement la possibilité d’ouvrir une enquête sur les crimes liés aux migrants en Libye » si ces cas relèvent de la compétence du tribunal, a-t-elle ajouté.

Pour rappel, la CPI est compétente pour juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crime de guerre.

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