L’Union européenne lance son Fonds de la Défense

Annoncé en novembre 2016, la Commission européenne vient de lancer, ce 7 juin, un Fonds européen de la défense, doté de 5,5 milliards d’euros par an, afin « d’aider les États membres à dépenser plus efficacement l’argent des contribuables, réduire le dédoublement des dépenses et obtenir un meilleur rapport coût-résultats. »

Cette mesure est une partie de la réponse donnée aux critiques du président Trump au sujet du sous-investissement des pays européens dans leur défense.

« Dans toute l’Europe, les gens sont inquiets pour leur sécurité et celle de leurs enfants. En complément de notre coopération avec l’Otan, nous devons faire plus et mieux par nous-mêmes », a en effet déclaré Jyrki Katainen, le commissaire chargé des Investissements.

Ce Fonds européen de la défense « agira comme catalyseur pour une industrie européenne de défense forte, qui développe des technologies et des équipements de pointe, pleinement interopérables », a expliqué M. Katainen. « Les États membres resteront aux commandes dans ce domaine, en auront plus pour leur argent et, en fin de compte, verront leur influence s’accroître », a-t-il ajouté.

« L’Europe doit devenir un vecteur de sécurité. Le Fonds soutiendra la recherche collaborative dans le domaine de la défense et le développement conjoint des capacités de défense. Il permettra dès lors de changer la donne en matière d’autonomie stratégique de l’Union et de compétitivité de l’industrie européenne de la défense, y compris les nombreuses PME et entreprises de taille intermédiaire qui composent la chaîne d’approvisionnement européenne de la défense », a complété Elżbieta Bieńkowska, la commissaire chargée du marché intérieur, de l’industrie et de l’entrepreneuriat.

Comme annoncé, ce Fonds compte deux volets. Le premier, doté de 90 millions d’euros jusqu’à la fin 2019 (25 millions étant alloués dès cette année), permettra d’accorder des subventions devant financer la « recherche collaborative » dans des domaines innovants pour la défense. Les projets éligibles devront faire partie des priorités définies par les États membres, comme l’électronique, les métamatériaux, les technologies de chiffrement ou bien encore la robotique.

« Un appel à propositions est lancé aujourd’hui pour des projets de systèmes automatisés en environnement naval et des systèmes de soldat. La signature des premières conventions de subvention est prévue pour la fin de cette année », précise la Commission européenne.

À partir de 2020, ce volet « recherche » prendra une toute autre ampleur puisqu’il est question de le doter de 500 millions d’euros par an, ce qui fera de l’UE « l’un des principaux investisseurs dans la recherche en matière de défense en Europe. »

Le second volet de ce Fonds, appelé « Développement et acquisition », aura pour vocation à inciter les États membres à coopérer en matière d’équipements et de technologies de défense, « sous la forme de cofinancement par le budget de l’Union et de soutien pratique de la Commission. » L’idée est de permettre, par exemple, l’achat en commun d’une grande quantité d’hélicoptères afin de réduire les coûts. Encore faut-il que des besoins similiaires soient exprimés en même temps…

À cette fin, 500 millions d’euros seront débloqués, au total, pour 2019 et 2020. Par la suite, un « programme plus substantiel sera élaboré pour l’après 2020. Il sera doté d’un budget annuel estimé à un milliard d’euros. Ce programme mobilisera des financements nationaux et aura un effet multiplicateur escompté de 5. Il pourrait donc générer un investissement total dans le développement des capacités de défense de 5 milliards d’euros après 2020 », explique la Commission.

Cela étant, ce Fonds n’a pas vocation a faire de l’ombre à l’Otan. « L’Union n’est pas une alliance militaire et ne va pas devenir une alliance militaire », a précisé Federica Mogherini, Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité.

Toutefois, la Commission de Bruxelles a également présenté trois scénarios possibles d’évolution de la défense européenne à l’horizon 2025 [.pdf]. Les États membres sont appelés à se prononcer sur celui qu’ils souhaiteraient voir appliquer.

L’option la moins ambitieuse (mais sans doute la plus raisonnable) laisse aux États membres le soin de décider, au cas par cas, « de l’opportunité d’une coopération en matière de sécurité et de défense, tandis que l’Union continuerait à compléter les efforts nationaux. »

Dans ce cas, le « nouveau Fonds européen de la défense contribuerait au développement de certaines nouvelles capacités conjointes, mais la majeure partie des développements et des acquisitions se rapportant aux capacités de défense continuerait à relever de la responsabilité individuelle des États membres » et la « coopération entre l’Union et l’Otan se poursuivrait selon les modalités et la structure actuelles. »

La piste la plus ambitieuse, appelée « Défense et sécurité communes », basée sur l’article 42 du traité sur l’Union européenne, prévoit que la protection de l’Europe « deviendrait une responsabilité de l’Union et de l’Otan dont chaque partie tirerait profit. » Dans ce cas, l’UE « serait en mesure de mener des opérations de haute intensité en matière de sécurité et de défense, en s’appuyant sur une intégration plus poussée des forces de défense des États membres. »

Entre ces deux options, celle intitulée « Sécurité et défense partagées », se fonde « sur la mutualisation, par les États membres, de certaines ressources financières et opérationnelles pour une solidarité accrue dans le domaine de la défense. » Là, l’UE « assumerait un rôle plus important dans des domaines tels que la cybersécurité, la protection des frontières ou la lutte contre le terrorisme » et renforcerait sa coopération avec l’Otan.

« Les trois différents scénarios proposés par la Commission européenne sont clairs et placent chacun devant ses responsabilités. La France, qui fait un effort de défense tout à fait particulier, s’en félicite », a commenté Sylvie Goulard, la ministre française des Armées.

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