Pologne : Une plainte vise les conditions de la rupture des discussions sur l’achat de 50 hélicoptères Caracal

« Avec la Pologne, on est vraiment très fâchés parce que ce n’est pas des méthodes », avait lancé, en novembre dernier, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, à propos de la rupture, un mois plus tôt, par Varsovie, des négociations portant sur l’achat de 50 hélicoptères de manoeuvre H225M Caracal, d’Airbus Helicopters.

Alors qu’il vient de proposer un « reset » des relations franco-polonaise à la faveur de l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, le gouvernement polonais, issu du parti conservateur « Droit et Justice » (PiS) risque d’être confronté à une crise politique en raison de cette affaire liée aux hélicoptères Caracal.

Pour rappel, en avril 2015, le gouvernement de centre-droit, dirigé par Ewa Kopacz, avait retenu l’appareil d’Airbus Helicopters pour équiper les forces armées polonaises. Et l’industriel Marignane comptait faire de la Pologne une de ses priorités, avec l’installation, à Lodz, de chaînes de montage et d’un centre de recherche et de développement. Seulement, le PiS, qui était alors dans l’opposition, avait assuré qu’il reviendrait sur cette décision en cas de victoire aux élection législatives. Et cela au profit de Sikorsky (filiale de Lockheed-Martin), qui proposait le S-70 Blackhawk, et AgustaWestland. Ce qui fut donc le cas.

Mais cette affaire a connu un rebondissement inattendu en avril, après un entretien donné par Waclaw Berczynski au quotidien Gazeta Prawna. Ce dernier était alors interrogé sur les conclusions – controversées – de la contre-commission d’enquête qu’il dirigeait au sujet du drame de Smolensk, au cours duquel le président Lech Kaczynski trouva la mort avec des dizaines de personnalités polonaise dans la chute du Tupolev Tu-154 présidentiel.

En effet, M. Berczynski a affirmé qu’il avait été le « mandataire » du ministre de la Défense, Antoni Macierewicz, dans le dossier des hélicoptères d’Airbus. Or, ce fait avait été jusque-là passé sous silence. Mieux encore : il s’est même vanté d’avoir « achevé » les Caracal.

Du coup, même si le ministère polonais de la Défense a tenté d’éteindre l’incendie, des députés de la Plate-forme civique (opposition) sont montés au créneau. Il faut dire que le parcours de M. Berczynski a de quoi intriguer. Ayant la double nationalité (américaine et polonaise), il a travaillé en tant qu’ingénieur chez Boeing entre 1985 et 2007, l’industriel américain lui ayant même payé ses études, à en croire la presse polonaise.

Par ailleurs, une enquête, menée par une commission de contrôle parlementaire, a déterminé que M. Berczynski a eu accès à des milliers de pages de documents confidentiels, susceptibles de receler des secrets industriels. Et cela, sans avoir les autorisations requises.

Pour l’ancien ministre polonais de la Défense, Tomasz Siemoniak, dont les propos ont été rapportés par le quotidien Le Monde (édition du 13 mai), il s’agit d’une affaire « très sérieuse » dans la mesure où les conditions dans lesquelles les discussions avec Airbus Helicopters ont été rompues manquent de transparence. « Les liens de M. Berczynski avec les intérêts américains posent évidemment problème. Toutes ces incertitudes nuisent à la crédibilité de ce gouvernement pour mener une quelconque négociation », a-t-il estimé.

En attendant, une plainte a été déposée par la commission de contrôle parlementaire. « Les liens (…) entre MM. Macierewicz et Berczynski, ainsi que la longue collaboration entre M. Berczynski et une entreprise concurrente d’Airbus soulèvent des inquiétudes légitimes sur l’impartialité de son influence (…) dans ces négociations », y est-il notamment souligné.

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