Renforts ou pas, la situation en Afghanistan continuera à se dégrader pour le renseignement américain

Le temps où il fallait se montrer résolument optimiste sur l’avenir de l’Afghanistan est désormais révolu. Il y a à peine plus d’un an, le général John Campbell, alors chef de la mission Resolute Support, lancée par l’Otan, y croyait encore, alors que les forces afghanes venaient d’être mises en difficulté à Kunduz, dans le nord du pays, quelques semaines plus tôt.

Or, les rapports du SIGAR, un organisme du Congrès américain chargé de contrôler les activités et surtout les dépenses américaines en Afghanistan, vont tous dans le même sens : les taliban gagnent de l’influence et le gouvernement afghan ne contrôlerait plus que 57% du territoire. En outre, les pertes subies par les forces de sécurité afghanes « continuent d’être à un niveau hautement choquant. »

Le directeur du renseignement américain, Dan Coats, n’a pas dit autre chose lors d’une audition devant une commission du Congrès, le 11 mai. Mais surtout, il ne voit pas comment la tendance pourrait s’inverser, même avec l’envoi de renforts, comme l’envisage l’Otan.

« La situation politique et sécuritaire en Afghanistan va presque certainement se détériorer tout au long de 2018, même avec une modeste augmentation de l’aide militaire des Etats-Unis et de leurs partenaires » de l’Otan, a en effet estimé M. Coats.

Et cela pour au moins deux raisons. En premier lieu, l’Afghanistan connaît une situation économique très compliquée, ce qui fait que le pays aura « du mal à réduire sa dépendance à l’aide extérieur, sauf s’il parvient à réduire l’insurrection » des taliban ou « à conclure un accord de paix », a expliqué le directeur du renseignement américain.

Or, pour le moment, si la Russie pousse à la négociation pour arriver à un accord de paix (tout en aidant le mouvement taleb afghan, selon des responsables militaires américains et afghans), une telle perspective semble encore lointaine. Reste donc la « réduction de l’insurrection »… Et là aussi, les choses paraissent mal engagées.

« La performance des forces de sécurité afghanes va probablement se dégrader, du fait des opérations des talibans, de pertes au combat, de désertions, d’une logistique peu performante, et de faiblesses de commandement », a fait valoir Dan Coats. Ces lacunes sont identifiées depuis longtemps et, visiblement, aucune réponse n’a été apportée pour y remédier, alors que la raison d’être de la mission Resolute Support est justement de former et d’entraîner l’armée nationale afghane (ANA).

Aussi, les décisions qu’il faudra prendre seront du même ordre que le choix qu’un homme d’affaires doit faire pour entreprise en mauvaise posture et pour laquelle il a déjà beaucoup investi : remettre la main à la poche pour tenter de redresser la situation et ne pas perdre d’argent ou arrêter les frais. C’est en tout cas l’image qui vient à l’esprit après les propos tenus par le général Vincent Stewart, le directeur de la Defense Intelligence Agency, c’est à dire le renseignement militaire américain.

« À moins que nous ne changions quelque chose […] la situation va continuer à se détériorer et nous allons perdre tous les gains que nous avons enregistrés ces dernières années », a en effet déclaré le général Stewart devant les sénateurs.

Cette question devrait être tranchée prochainement. D’après des responsables américains, la hausse des effectifs de la mission Resolute Support permettrait de renforcer l’encadrement de l’armée nationale afghane, avec des conseillers militaires envoyés auprès des commandants de brigades, voire des bataillons (Kandak). Ce qui veut dire qu’ils seraient au plus près des combats, avec la mission d’améliorer la coordination entre les différentes unités et les appuis (aériens et artillerie).

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