L’armée allemande traverse une zone de turbulences

Un budget en hausse, promesses d’un renouvellement de ses équipement et d’un rôle accru sur la scène internationale ou encore plus de recrutement… Tout irait bien pour la Bundeswehr si elle n’était pas au centre de polémiques qui nuisent à son image.

« Les gens perdent confiance dans la Bundeswehr parce que, chaque mois, de nouveaux cas d’extrémistes de droite, de harcèlements ou de violence contre les soldats apparaissent », a ainsi résumé Ursula von der Leyen, la ministre allemande de la Défense, lors d’un entretien donné au quotidien Bild. « Nous avons besoin de nommer les problèmes pour en traiter les causes », a-t-elle ajouté.

Ces derniers temps, plusieurs affaires embarrassantes ont été mise sur la place publique : bizutages dégradants et pratiques sadiques sur de jeunes recrues, humilation de soldats et même un cas de viol d’un sous-officier. Et le souci est que la hiérarchie militaire est soupçonnée d’avoir voulu en minimiser la portée et la gravité, voire des les couvrir.

Fin avril, et devant l’accumulation des cas, Mme von der Leyen, qui a dénoncé, ces derniers jours, des « faiblesses de direction » au sein de la Bundeswehr ainsi qu’un « esprit de corps mal placé », a démis de ses fonctions le général Walter Spindler, alors chef du Commandement de la formation de la Deutsches Heer, en raison de sa passivité devant ces affaires.

Mais le cas qui continue à faire des vagues à Berlin est celui d’un lieutenant du Jägerbatallion 291, basé à Illkirch-Graffenstaden, près de Strasbourg.

Pour rappel, cet officier de 28 ans, arrêté la semaine passée en Bavière, est accusé d’avoir mené une double vie en se faisant passer pour un réfugié syrien afin de commettre un attentat contre des étrangers ou des personnalités politiques.

Lors de son passage à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, où il fut admis au titre d’un échange avec l’armée de Terre française, il avait éveillé quelques soupçons sur son extrémisme politique à l’occasion d’un travail écrit dans lequel il évoquait le « génocide du peuple occidental ».

Cette affaire est sans doute la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ayant reporté un déplacement aux États-Unis pour se rendre à Illkirch-Graffenstaden pour visiter le Jägerbatallion 291, Mme von der Leyen a fait état, le 3 mai, de la présence de « reliques » de la Wehrmacht dans un local utilisé par les soldats de ce bataillon. Les objets en question sont des affiches, des casques et quelques armes datant de la Seconde Guerre Mondiale.

« J’ai demandé qu’on me montre la pièce où se trouvent les objets de la Wehrmacht », a déclaré Mme von der Leyen, pour qui l’armée du régime nazi « ne peut inspirer aucune forme de tradition à la Bundeswehr ».

« À part quelques faits exceptionnels et isolés de résistance (contre le régime nazi), la Wehrmacht et la Bundeswehr n’ont rien en commun. Ce n’est pas nouveau, c’est une évidence dans la Bundeswehr qui doit être reconnue par tous », a insisté la ministre allemande de la Défense.

Ces objets faisant référence à la Wehrmacht sont d’autant plus malvenus que le Jägerbatallion 291, installé au quartier Leclerc, côtoie l’état-major de la 2e Brigade Blindée, héritière de la 2e Division Blindée (DB) de l’homme du serment de Koufra.

« La fréquence des faits montre que l’on ne peut ni passer l’éponge ni détourner le regard (…) Les dysfonctionnements ont été trop longtemps ignorés », a estimé Mme von der Leyen.

Cela étant, le problème de l’infiltration d’extrémistes dans l’armée allemande est récurrent. En 1997, déjà, 93 actes à caractère néo-nazi avaient constatés au sein de la Bundeswehr, alors secouée par le scandale suscité par des vidéos de soldats du Gebirgsjägerbataillon 571 (infanterie de montagne) en train de faire des saluts nazis et de tenir des propos anti-américains et anti-sémites.

Plus récemment, le Militärische Abschirmdienst (MAD), le contre-espionnage militaire (équivalent de l’ex-DPSD française, devenue DRSD), a dit surveiller 275 soldats pour leur sympathie à l’égard de l’extrême droite, sans préciser s’ils étaient proches du parti Alternative für Deutschland (AfD) ou de groupuscules néo-nazis. Plus tôt, ce service renseignement avait avancé que 20 membres de la Bundeswehr faisaient l’objet d’une enquête pour leur proximité avec l’idéologie jihadiste et que 60 autres étaient suspectés de radicalisation.

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