La France donnera la « preuve » que Damas est responsable de l’attaque chimique de Khan Cheikhoun

Quelques jours après la frappe américaine contre la base syrienne d’al-Shayrat en réponse à l’usage d’armes chimiques à Khan Cheikhoun au petit matin du 4 avril, dans la province d’Idleb, le chef du Pentagone, le général James Mattis, affirma n’avoir « pas de doute » que le régime de Bachar el-Assad » était « responsable de la décision d’attaquer et de l’attaque elle-même. »

« Une réponse militaire mesurée était ce qu’il y avait de mieux pour dissuader le régime » de lancer une autre attaque chimique, fit encore valoir James Mattis. « Cette action militaire montre que les Etats-Unis ne resteront pas sans rien faire quand [le président] Assad ignorera le droit international et utilisera des armes chimiques qu’il déclare avoir détruites », avait-t-il ajouté, avant de préciser que « vaincre » l’État islamique (EI ou Daesh) restait la priorité.

De son côté, le régime syrien nia toute responsabilité pour cette attaque chimique. Et Moscou d’avancer l’hypothèse que l’un des bombardements effectués par des avions Su-22 ayant décollé d’al-Shayrat aurait atteint un entrepôt rebelle contenant des « substances toxiques. » Pour les experts, un tel scénario est peu probable.

« Si d’aventure on avait touché un entrepôt, il pourrait y avoir formation d’un nuage toxique, simplement vous n’avez jamais une aérosolisation aussi efficace que celle qui a été constatée sur le terrain », a en effet expliqué Olivier Lepick, spécialiste des armes nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). « Là, c’est de toute évidence une arme chimique militaire qui a été utilisée, ce n’est pas une fuite d’un entrepôt. C’est clair et évident pour quiconque jette un œil objectif sur ce qui s’est passé », a-t-il conclu.

Cependant, sollicité par l’AFP, Julien Legros, un chercheur du laboratoire « chimie organique » de l’Université de Rouen, est moins catégorique. Selon lui, la thèse avancée par les Russes et le régime syrien n’est pas « impossible », à condition que les éléments entrant dans la composition de l’agent toxique aient été stockés dans un même baril.

« L’explosion provoquée par une frappe pourrait alors déclencher une réaction chimique sous l’effet de la chaleur, le liquide se transformant en gaz toxique », a-t-il expliqué. Cependant, cela suppose que la chaleur dégagée ne soit pas trop forte pour détruire les composants. Mais « si 10 mg suffisent à tuer une personne, si vous avez 10% d’une tonne, ça suffit largement à tuer quelques centaines de personnes », a-t-il ajouté.

Cela étant, si le régime syrien a reconnu avoir bombardé l’entrepôt rebelle à Khan Cheikhoun le 4 avril, l’heure à laquelle le raid a été mené ne correspond pas à celle de l’attaque chimique…

Aussi, pour en avoir le coeur net, il faudrait pouvoir enquêter sur place. C’était d’ailleurs l’enjeu d’un projet de résolution discuté la semaine passé au Conseil de sécurité des Nations unies. Le texte, qui condamnait le recours aux armes chimiques, exigeait la coopération de Damas, qui devait fournir les carnets de vol de ses avions militaires. Mais la Russie mit son veto, au motif qu’il reposait sur « une présomption de culpabilité » du régime syrien, lequel est censé s’être débarrassé de son arsenal chimique en 2013.

Quoi qu’il en soit, pour l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui enquête sur cette affaire, dire qu’il y a eu une attaque chimique à Khan Cheikhoun est une « allégation crédible ». Et, le 19 avril, elle a confirmé que du gaz Sarin, un neurotoxique, avait bien été utilisé. Mais cela ne permet pas de prouver une quelconque responsabilité du régime syrien.

Mais la preuve de l’implication de ce dernier ne devrait pas tarder à être donnée, à en croire Jean-Marc Ayrault, le ministre français des Affaires étrangères. « Nous avons des éléments qui nous permettront de démontrer que le régime [syrien] a sciemment utilisé l’arme chimique », a-t-il en effet assuré sur le plateau de LCP. « Ma conviction, et c’est aussi la conviction de nos services, c’est que c’est le régime qui a la responsabilité » de cette attaque, a-t-il continué.

« C’est une question de jours, mais nous apporterons la preuve que le régime a bien organisé ces frappes avec des armes chimiques. J’exprime une conviction, dans quelques jours je pourrai vous apporter des preuves », a encore insisté le chef de la diplomatie française.

Pour rappel, en septembre 2013, le ministère de la Défense avait publié une « synthèse nationale de renseignement » concernant l’attaque chimique ayant visé, quelques jours plus tôt, le faubourg de La Ghouta, près de Damas.

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