Les capacités européennes sont insuffisantes pour envoyer plus d’unités blindées dans les pays baltes

Pour dissuader toute action susceptible de menacer la stabilité des trois pays baltes (Estonie, Lituanie, Lettonie) et de la Pologne, l’Otan a décidé de renforcer son flanc oriental en y déployant quatre bataillons multinationaux et de créer une « Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation » (Very High Readiness Joint Task Force, VJTF). De leur côté, les États-Unis ont envoyé une brigade blindée sur le territoire polonais.

Seulement, le renseignement lituanien a récemment prévenu : il n’est pas certain que cela suffise étant donné la forte présence militaire russe dans la région. Et l’exercice Zapad 2017, qui se tiendra en septembre prochain avec 100.000 hommes mobilisés, donne un aperçu des forces en présence. Pour autant, est-il possible pour les Alliés européens de faire davantage, en particulier au niveau des unités blindées?

Dans une étude récente, la Rand Corporation a passé en revue les capacités blindées des trois principales forces terrestres européennes afin de mesurer leur capacité à fournir des unités supplémentaires à un éventuel renforcement de la présence de l’Otan dans la région de la Baltique, voire à une possible intervention. Et ses conclusions sont sans appel : aucune des trois n’est actuellement en mesure d’aller au-delà de ses contributions actuelles, dans le cadre des batallions multinationaux.

Ainsi, s’agissant du Royaume-Uni, les moyens de la British Army ont été lessivés par des années de contraintes budgétaires, consécutives de la revue stratégique de défense et de sécurité de 2010. Ses effectifs ont été ramenés à 82.000 soldats, soit autant que pendant la guerre des Boers. Selon la Rand Corp., si elle peut fournir un groupe blindé dans les 30 jours et il lui faudrait 1 à 3 mois pour « projeter » une brigade blindée complète. En outre, son format réduit l’empêche d’envisager une opération longue.

Quant à l’Allemagne, qui prendra la tête de la VJTF, il lui faudrait « probablement plus d’une semaine pour mobiliser un bataillon blindé », estime l’étude de la Rand Corp. Et un mois pour solliciter une brigade blindée complète, en « dépouillant d’autres unités » pour les équipements et le personnel. Les forces terrestres allemandes manquent en effet de personnels et d’équipements performants.

Enfin, l’armée de Terre française serait la mieux lotie. Grâce à l’Échelon national d’urgence (ENU), il lui serait possible de mobiliser un bataillon blindé en moins d’une semaine et il lui faudrait à peu près un mois pour en faire de même avec une brigade. Seulement, pour la Rand Corp, un tel engagement ne serait pas soutenable dans la durée, étant donné ses engagements actuels (Barkhane et Sentinelle)

Quoi qu’il en soit, pour la British Army, la Deutsche Heer et l’armée de Terre, un tel déploiement aurait recours aux capacités américaines en matière de transport aérien, même si le Royaume-Uni semble le mieux armé dans ce domaine. Et, ajoute cette étude, ce serait une « grande entreprise » pour ces trois forces armées dans la mesure où il leur laisserait peu de réserve (voire pas du tout) pour « toute autre éventualité. »

Cette situation est la conséquences des orientations prises après la Guerre Froide. La Rand Corp. rappelle que les dépenses militaires ont chuté en Europe, ce qui a conduit à faire des arbitrages entre les différentes capacités. C’est ainsi que certaines forces européennes ont été reconfigurées pour des conflits de basse intensité ou des opérations de maintien de la paix. Et l’idée que les unités blindées n’étaient plus pertinentes s’est répandue.

Cela étant, le scénario envisagé par le centre de recherche américain est-il envisageable? Évidemment, tout peut arriver… Mais à partir du moment que des bataillons multinationaux ont été déployés dans les pays baltes et la Pologne, le risque d’une déstabilisation semble désormais plus faible.

D’ailleurs, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a estimé la semaine passée que le dispositif actuel lui paraissait « suffisant ». Mais certains analystes estiment le contraire, étant donné que la supériorité militaire russe dans la région exige un déploiement de forces de l’Alliance plus important pour dissuader Moscou, qui, de son côté, ni avoir la moindre vue sur les pays baltes.

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