Élysée 2017 : M. Mélenchon veut une défense « populaire » et une pause dans les opérations extérieures

Rendre compte des propositions de Jean-Luc Mélenchon en matière de défense est un exercice compliqué… tant le candidat de la « France insoumise » à l’élection présidentielle a fait le service minimum sur ce sujet. Cela étant, les quelques mesures que l’on trouve dans son programme ont le mérite d’être cohérentes avec sa vision du monde et de la France.

En réalité, M. Mélenchon ne donne pas de détails sur ses intentions. Au plus livre-t-il des objectifs globaux. Ainsi, s’agissant des dépenses militaires, et contrairement à ses principaux concurrents, il n’avance aucun chiffre. Pour autant, il propose de « rédiger un nouveau Livre blanc et adopter une nouvelle loi de programmation militaire ayant pour objectif la restauration pleine et entière de l’indépendance militaire. »

Interrogé par le magazine DSI (n°128), M. Mélenchon s’en explique : « En matière de défense comme ailleurs, la question déterminante n’est pas ‘combien ça coûte?’ mais de ‘quoi avons-nous besoin?' ». Et d’ajouter : « La question des moyens ne doit pas être posée avant celle des objectifs. Nous devons viser la cohérence entre les moyens et les fins géopolitiques. Il est inutile de graver dans le marbre un pourcentage qui ne signifie rien en lui-même ». Cela étant, tant qu’il y aura des armes nucléaires dans le monde, il juge opportun de conserver la force de frappe française, sans plus de précision.

Visiblement, M. Mélenchon n’est pas un adepte des interventions extérieures, qu’il propose d’encadrer plus strictement encore en revoyant l’article 35 de la Constitution. Pour lui, il s’agit d’établir un « contrôle démocratique » et de faire en sorte que ces opérations puissent être préalablement approuvées par le Parlement, exceptées celles relevant des forces spéciales (« avec un seuil en volume – nombre d’hommes – et en nature à définir », lit-on dans son programme).

En outre, M. Mélenchon récuse l’expression de « guerre au terrorisme » car « on ne fait pas la guerre au terrorisme ». Son conseiller pour les affaires de sécurité, François Pirenne, a même parlé de « révolution copernicienne du langage » lors d’un débat organisé par le Centre d’analyse du terrorisme (CAT).

« Nous sommes pour qu’on refuse désormais d’employer des termes à connotation religieuse pour parler de terrorisme. Il faut arrêter de parler de jihad et d’islamisme, de salafisme et de guerre. Ce n’est sûrement pas une guerre. Nous sommes dans une société où beaucoup de groupes humains se radicalisent, il est inutile d’en stigmatiser un en particulier », a-t-il affirmé, disant préférer parler d' »islamisation de la radicalité ». Et d’ajouter : « Les déterminants n’ont rien à voir avec la religion. L’islam n’intervient que comme un slogan, un étendard. On se radicalise avant d’être musulman. D’ailleurs, quelqu’un qui a vingt ans et qui ne se radicalise pas, c’est inquiétant. »

Par ailleurs, M. Mélenchon donne le sentiment de minimiser les menaces dites de « la force », c’est à dire celles liées à l’affirmation de la puissance de certains pays, comme la Russie ou la Chine. Au sujet de cette dernière, il estime, dans le DSI n°128, que les activités de cette dernière en mer de Chine méridionale relèvent d’une « politique de puissance défensive qui entre en concurrence avec les intérêts d’autres nations de la région ». Mais c’est oublier que, en juillet 2016, la Cour permanente d’arbitrage de La Haye a estimé que les revendications territoriales de Pékin dans cette partie du monde n’avaient « aucun fondement juridique ».

Quoi qu’il en soit, M. Mélenchon propose de faire sortir à nouveau la France du commandement militaire intégré de l’Otan, puis de l’Alliance.

« Cette organisation ne sert plus qu’à embrigader les pays européens derrière les États-Unis. Mais nous n’avons pas les mêmes principes ni les mêmes objectifs. La France peut et doit se défendre elle-même pour pouvoir agir librement. Pour cela, la défense doit retrouver un lien avec la Nation tout entière, rompu depuis la fin de la conscription », justifie-t-il dans son programme.

Justement, à propos de conscription, le candidat de la France insoumise évoque la création d’un « service citoyen obligatoire » de 9 mois qui serait effectué par les jeunes femmes et hommes de moins de 25 ans, à proximité du « lieu de vie » et en « limitant le casernement aux fonctions qui l’exigent réellement. » Nul besoin, donc, de créer de nouvelles casernes ou de loger les appelés dans les lycées, comme l’a proposé M. Macron.

Les conscrits seraient rémunérés au SMIC, se verraient dispenser une « formation militaire initiales » (sauf pour les objecteurs de conscience) et auraient à effectuer des « tâches d’intérêt général », allant du secours à la population à la protection de l’environnement, en passant par « l’appui des associations labellisées d’intérêt général » et à la défense.

M. Mélenchon n’est pas non plus un chaud partisan de l’opération Sentinelle, qu’il estime « inopérante » dans la lutte contre le terrorisme. En matière de défense du territoire, il préconise de placer la Garde nationale sous commandement civil. Elle serait composée de « jeunes en service citoyen obligatoire ayant choisi d’intégrer la réserve pour la protection de la sûreté et de l’intégrité de la Nation. »

Enfin, pour l’anecdote, le candidat suggère d’annuler, « séance tenante », les acquisitions de logiciels nord-américains utilisés par les armées… L’on suppose qu’il fait référence à l’espionnage informatique. Seulement, ce serait oublier que les ordinateurs, quasiment tous assemblés en Asie du Sud-est (et en particulier en Chine), peuvent présenter des « backdoors » sur leurs micro-circuits.

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