L’ONU demande aux forces irakiennes et à la coalition de faire preuve de « retenue » à Mossoul

Étant donné qu’au moins 600.000 civils n’ont pas fuir la vieille ville de Mossoul, où se concentrent actuellement les combats pour en chasser l’État islamique, il fallait s’attendre à voir les jihadistes s’en servir comme boucliers humains. Et cela rend compliqué les opérations en cours.

Reconquérir Mossoul est une chose. Gagner la « paix », c’est à dire faire en sorte que les conditions ayant favorisé l’émergence de l’EI soient balayées en est une autre. Et pour cela, il est impératif d’éviter les dommages « collatéraux » : chaque victime civile alimente un sentiment de vengeance qui ne pourra qu’être exploité par les jihadistes. Et ces derniers ne manqueront pas, une fois qu’ils auront perdu leurs fiefs, de continuer le combat en menant des actions de guérilla.

Or, pour le moment, les forces irakiennes et la coalition, malgré les précautions prises, peinent à éviter les dommages collatéraux. Depuis le lancement de l’offensive en direction de la partie occidentale de Mossoul, le 17 février, au moins 307 civils ont été tués et 273 autres blessés, selon les chiffres avancés ce 28 mars par le Haut Commissairiat de l’ONU pour les droits de l’homme. Et ce bilan ne prend pas encore en compte les rapports – pas encore vérifiés – faisant état de 95 civils tués entre les 23 et 26 mars.

Cependant, Rupert Colville, un porte-parole, a indiqué qu’il n’est pas possible de dire « combien de personnes ont été tuées depuis le début de l’offensive par les frappes aériennes de la coalition et combien ont été tuées par les jihadistes de l’EI. »

Ainsi, dans le cas de l’effondrement d’un immeuble dans le quartier d’al-Jadidah, le 17 mars, les responsabilités sont pour le moment difficiles à établir. « Les témoins ont indiqué que l’EI avait auparavant forcé au moins 140 civils à entrer dans la maison, pour en faire des boucliers humains. Ils ont aussi dit que l’EI avait piégé la maison avec des engins explosifs improvisés », a expliqué M. Colville.

Seulement, d’autres témoins disent que le bâtiment s’est effondré après une frappe aérienne. De son côté, la coalition a admis avoir effectué des raids dans le secteur où s’est produit cet incident, qui, selon un bilan encore provisoire, a fait au moins 61 tués. D’où l’ouverture d’une enquête.

« Il est tout à fait possible que Daesh ait fait exploser cet immeuble pour faire accuser la coalition et retarder l’offensive à Mossoul […] Il est possible que la frappe de la coalition soit à l’origine (de l’effondrement). Nous ne le savons pas, il y a des enquêteurs sur le terrain », a résumé un général américain.

Pour Zeid Ra’ad Al Hussein, le Haut Commissaire de l’Onu pour les droits de l’homme, « la stratégie de l’EI d’utiliser des enfants, des hommes et des femmes pour se protéger contre les attaques est lâche et honteuse » et « en vertu du droit international humanitaire, l’utilisation de boucliers humains constitue un crime de guerre. » Toutefois, a-t-il ajouté, « il est vital que les forces de sécurité irakiennes et leurs partenaires de la coalition évitent ce piège. »

Aussi, M. Al-Hussein a demandé à la coalition de « revoir urgemment ses tactiques afin de garantir que l’impact sur les civils soit réduit au minimum absolu. »

Après quelques jours d’une pause décidée après l’incident d’al-Jadidah, les forces irakiennes ont repris leur offensive vers la vieille ville de Mossoul, précisément en direction de la mosquée Al-Nouri, celle où le chef de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi, avait proclamé son califat, en juillet 2014. Visiblement, il s’agit de livrer des assauts ciblés contre des objectifs à haute valeur symbolique.

« Les forces gouvernementales avancent avec le soutien aérien de la coalition internationale anti-EI et sont aidées par le ciblage précis de positions sélectionnées par le renseignement, a expliqué, le 27 mars, le général Raed Chakir Djaoudat, un chef de la police irakienne.

Cela étant, parallèlement à ces assauts ciblés, la tactique des forces irakiennes devrait consister à isoler la vieille ville afin d’empêcher les jihadistes de recevoir des renforts. Seulement, ne pouvant plus fuir, ces derniers adopteront une attitude jusqu’au-boutiste, avec tout ce que cela implique pour les civils.

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