Taïwan lance officiellement la construction de ses propres sous-marins
Il est compliqué pour Taïwan de se procurer des équipements militaires auprès d’autres pays, qui, pour la plupart, ne souhaitent pas se mettre la Chine à dos pour des raisons économiques. En effet, Pékin, pour qui l’ancienne Formose a vocation à revenir dans son giron, fait les gros yeux chaque fois qu’un contrat (ou un transfert) d’armements est sur le point d’être conclu. Ce qui a été de nouveau le cas le 20 mars.
Alors qu’il est prêté à l’admnistration Trump l’intention de livrer des missiles anti-navire aux forces taïwanaises, les autorités chinoises n’ont en effet pas manqué de « mettre en garde » Washington.
« La Chine s’oppose aux ventes d’armes américaines à Taïwan », a ainsi déclaré Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, lors d’un point de presse. « Nous espérons que la partie américaine prendra pleinement conscience de l’extrême sensibilité et de la grave nocivité de ses ventes d’armes à Taïwan », a-t-elle insisté.
Aussi, devant ces difficultés, Taïwan n’a souvent que la solution de développer ses propres matériels militaires. Le mois dernier, Taipeh a confié à l’entreprise publique Aerospace Industrial Development Corp. (AIDC) et à l’Institut national Chung-Shan des sciences et technologies (NCSIST) le soin de mettre au point un nouvel avion d’entraînement – le XT-5 Blue Magpie – destiné à remplacer les AT-3 Tzu-Chiang et une partie des F-5 Tiger (d’origine américaine) à l’horizon 2026 et à raison de 66 exemplaires. Le tout pour environ 2,2 milliards de dollars.
Un autre domaine où Taïwan accuse du retard est celui des sous-marins. La marine du pays en compte 4, dont deux ont la particularité d’avoir été conçus pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les deux autres, fabriqués aux Pays-Bas, lui ont été livrés à la fin des années 1980.
Pendant longtemps, Taipeh a espéré pouvoir acquérir huit sous-marins à propulsion diesel-électrique auprès d’un fournisseur étranger. Á un moment, bien qu’ils n’en fabriquent plus depuis les années 1960, les États-Unis ont été sur les rangs. Puis le projet est resté lettre-morte, Washington ayant pris le parti de ménager Pékin. Même chose pour les Européens, qui auraient pu satisfaire les besoins taïwanais.
Aussi, faute de pouvoir les acquérir, Taïwan a donc décidé de construire les 8 sous-marins – de 1.200 à 3.000 tonnes chacun – qui lui font défaut. Fin 2014, un premier contrat, d’une valeur de 94 millions de dollars, a été attribué à Ship and Ocean Industries R&D Center et de CSBC Corporation Taiwan pour réaliser des études préliminaires.
Et, ce 21 mars, la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, a officiellement lancé ce programme de sous-marins, à l’occasion d’une visite à la base navale de Zuoying, à 350 km au sud de Taipeh. Un « moment historique », selon elle.
« Renforcer nos capacités de combat sous-marines est essentiel pour la défense de Taïwan. C’est un problème que tout le monde reconnaît […] Nous avons été incapables de le résoudre par le passé. En tant que commandante des forces armées, je suis déterminée à régler ce
problème », a fait valoir Mme Tsai, après la signature des contrats attribués à CSBC Corporation et à l’Institut national Chung-Shan pour la science et la technologie, qui sera chargé de mettre au point les systèmes de combat.
Le premier sous-marin devrait être livré à la marine taïwanaise d’ici 2026. Et c’est un défi dans la mesure où l’industrie locale ne maîtrise pas les technologies clés (matériaux, capteurs, etc…) pour un tel projet. « Je comprends qu’il est difficile de construire des sous-marins […] Mais la règle de la politique internationale est que vous devez vous aider par vous-mêmes avant d’obtenir l’aide des autres », a dit Mme Tsai.
Cela étant, il n’est pas impossible que les industriels taïwanais puissent bénéficier d’une aide américaine. En septembre 2014, l’amiral Greenert, alors chef des opérations de l’US Navy, avait évoqué de possibles transferts de technologie (sans toutefois en préciser la teneur), rendus possibles par le Taïwan Relations Act.
Quoi qu’il en soit, la marine taïwanaise ne fera toujours pas le poids face à son homologue chinoise, qui compter actuellement une cinquantaine de sous-marins (basés sur l’île de Hainan), et sans doute une vingtaine de plus en 2020. Mais son objectif, en cas d’attaque de la Chine, sera de tenir le plus longtemps possible avant l’arrivée des forces américaines (Taïwan Relations Act oblige).
Pour rappel, Taiwan envisage de porter son effort de défense de 2 à 3% de son PIB en 2018 afin de pouvoir répondre à l’intensification des activités militaires de la Chine et de prendre en compte « l’incertitude » sur la future orientation stratégique des États-Unis.