Pour l’ONU, des crimes de guerre ont été commis des deux côtés à Alep-Est

En décembre 2016, après des mois de combats, les groupes rebelles encore présents à Alep-Est capitulaient devant les forces gouvernementales syriennes. Durant cette période, des écoles et des hôpitaux furent détruits, des civils visés et des convois humanitaires bombardés. Et chaque camp imputait la responsabilité de ces actes, considérés comme des crimes de guerre, sur l’autre.

Mais selon la Commission internationale indépendante d’enquête sur la Syrie, mandatée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, les belligérants ont tous commis, à un moment ou un autre, des crimes de guerre. Pour conduire leurs investigations, les enquêteurs ont réalisé 291 entretiens avec des habitants d’Alep, examiné des images prises par satellite, des dossiers médicaux et des vidéos. Et cela a donné un rapport d’une trentaine de pages, publié le 1er mars.

Ainsi, le document affirme que « les attaques aériennes syriennes et russes » ayant « frappé sans relâche la partie est d’Alep pendant des mois […] ont détruit des infrastructures civiles vitales ciblant délibérément des hôpitaux et des cliniques. » Et d’ajouter : « Les conséquences de ces frappes furent désastreuses pour les civils, tuant et mutilant nombre d’entre eux et réduisant la partie orientale d’Alep à l’état de décombres. »

En outre, la commission dénonce l’utilisation, par l’aviation syrienne, de munitions au chlore contre « la population civile de l’est d’Alep, causant d’importants dommages physiques et psychologiques à des centaines de civils. » De même qu’elle a aussi déploré l’usage de bombes à sous-munitions.

Pour la commission, ce ciblage intentionnel des hôpitaux et des cliniques « équivaut à des crimes de guerre. » En outre, le rapport fait part également des méthodes des forces syriennes et de ses alliés, qui ont « empêché la population civile de la partie est d’Alep d’avoir accès à la nourriture et aux fournitures de base, utilisant ainsi des tactiques brutales de siège pour forcer les redditions rappelant les guerres médiévales. »

Enfin, le rapport revient sur le bombardement d’un convoi humanitaire du Croissant-Rouge et du bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (BCAH), à Orum al-Koubra, dans la nuit du 19 au 20 septembre 2016.

Le ministère russe de la Défense accusa les rebelles d’en être les responsables, avant d’évoquer la présence d’un drone MQ-1 Predator américain dans le secteur peu avant l’attaque. En décembre, une commission d’enquête, dirigée par l’ex-général indien Abhijit Guha, était arrivé à la conclusion que le convoi avait été bien été la cible d’un raid aérien « employant plusieurs types de munitions envoyées depuis plus d’un appareil ». Pour autant, il s’était gardé d’accuser qui que ce soit, faute de pouvoir tirer des conclusions définitives.

Mais pour la commission d’enquête sur la Syrie, les choses sont claires : dans son rapport, l’aviation syrienne est accusée d’avoir « délibérément » visé ce convoi du Croissant-Rouge et du BCAH. « En aucun cas, les travailleurs humanitaires ne peuvent être ciblés », a fait valoir Carla del Ponte, qui a pris part à l’enquête. « Une attaque délibérée contre eux comme celle qui a eu lieu à Orum al-Kubra équivaut à des crimes de guerre et les responsables doivent rendre compte de leurs actes », a-t-elle ajouté.

Quant aux rebelles syriens, ils sont loin d’être exempts de tout reproche. Le rapport indique que des « groupes armés ont bombardé indistinctement des zones habitées avec des armes improvisées, causant de nombreuses victimes civiles » et qu’un « certain nombre de ces attaques ont été menées sans objectif militaire clair et n’ont eu d’autre but que de terroriser la population civile. » Le document parle de « campagne de bombardements indiscriminés » sur la partie ouest d’Alep, alors sous contrôle des forces syriennes.

Alors que la fin des combats était imminente, des groupes armés, poursuit le rapport, ont, dans certains districts, « tiré sur des civils pour les empêcher de partir, les utilisant efficacement comme boucliers humains. » Mais les forces gouvernementales, « composées pour la plupart de milices syriennes et étrangères », ont aussi commis des exactions en tuant des « combattants hors de combat, des partisans soupçonnés d’appartenir à l’opposition, y compris des membres des familles des combattants. » En outre, le sort de personnes capturées demeure encore inconnu à ce jour.

Cela étant, les auteurs de ces exactions et de ces crimes de guerre ne risque pas grand chose. « Nous pouvons mener des enquêtes, établir des faits et recueillir des preuves à l’encontre de militaires ou de responsables politiques, mais nous ne pouvons pas les mettre en accusation », a déploré Mme Del Ponte, qui fut procureure générale du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

« Cela fait six ans que des crimes sont commis et que la commission demande que justice soit rendue aux victimes. C’est une énorme frustration. Que ce soit au Rwanda ou dans les Balkans, je n’ai jamais vu un tel niveau de violence », a-t-elle ajouté.

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