Le Pentagone admet avoir utilisé des munitions à uranium appauvri contre Daesh

Sous-produit du processus d’enrichissement de l’uranium naturel en isotopes 235U destiné aux centrales nucléaires, l’uranium appauvri est un matériau très dense pouvant être utilisé pour fabriquer des munitions anti-char et des blindages.

Débarrassé des isotopes 235U et 234U, l’uranium appauvri est 40% moins radioactif que l’uranium naturel. Outre sa grande capacité de pénétration, ce matériau a la particularité de s’enflammer à l’impact, ce qui donne à l’obus qui en contient une capacité incendiaire. La combustion de la munition produit alors des poussières et aérosols sous forme d’oxydes pouvant contaminer les sols, l’eau et les aliments.

L’usage d’obus à uranium appauvri a donné lieu à de nombreuses controverses depuis l’opération Tempête du Désert (1991, Irak). Il a en effet été avancé que les syndromes du Golfe et des Balkans étaient liés à l’usage intensif de ces munitions. Mais cela n’a pas été formellement et scientifiquement démontré. « L’uranium appauvri utilisé pour la fabrication des munitions étant très peu rayonnant, et sa concentration extrêmement faible, le risque de pollution du champ de bataille apparaît minime », faisait en outre valoir, en 2013, le ministère français de la Défense, dans une réponse écrite destinée un parlementaire.

Cependant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) précise que l’uranium appauvri peut être nocif si la dose « inhalée par les populations » est supérieure à « 1 µg/m3 de la fraction respirable. » Et de préciser que « l’uranium appauvri est à la fois potentiellement chimiotoxique et radiotoxique, les deux organes les plus attaqués étant les reins et les poumons. La nature physique et chimique de l’uranium appauvri auquel le sujet est exposé, de même que l’intensité et la durée de l’exposition, déterminent les effets sur la santé. »

Quoi qu’il en soit, en février 2015, le capitaine John More, un porte-parole de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis, avait assuré que les forces américaines n’utiliseraient pas de munitions à uranium appauvri en Syrie et en Irak. L’État islamique ne disposant pas de chars de combat surprotégés, le recours à ce type d’obus ne se justifiait pas. En outre, il s’agissait aussi d’éviter de prêter le flanc aux éventuelles critiques. Du moins le croyait-on.

Car finalement, l’aviation américaine a utilisé, à au moins deux reprises, des obus PGU-14/B API de 30 mm, tirés par le canon GAU-8 Avenger dont sont dotés les avions d’attaque A-10 Thunderbolt II (ou Warthog).

Le major Josh Jacques, un porte-parole de l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, a en effet admis que 5.265 obus à uranium appauvri avaient été tirés les 16 et 22 novembre 2015 contre des camions-citerne utilisés par l’EI pour la contrebande de pétrole.

La combinaison de munitions perforantes et incendaires « a été retenue pour obtenir une plus forte probabilité de destruction de la flotte de camions », a expliqué le porte-parole de l’US CENTCOM. « Nous continuerons à considérer toutes les options » pour vaincre l’État islamique « et cela inclut » l’utilisation d’obus à uranium appauvri, a-t-il ajouté.

Cela étant, cette information ne manquera pas de faire polémique. En témoigne les propos d’un responsable d’une association militant contre les munitions à uranium appauvri, rapportés par le Washington Post. « Compte tenu de l’opprobre international associé à l’utilisation de l’uranium appauvri, nous sommes assez étonné d’entendre qu’il en a été fait usage dans des opérations en Syrie », a en effet déclaré Doug Weir, le coordinateur international de la coalition pour l’interdiction des armes à l’uranium.

De telles munitions n’ont effectivement pas bonne presse. Le 22 mai 2008, le Parlement européen a ainsi voté une résolution affirmant que « l’emploi d’uranium appauvri dans les conflits viole les règles et principes fondamentaux consacrés par le droit international humanitaire et environnemental, écrit et coutumier. »

Sur cette question, Paris n’est pas sur la même ligne que cette résolution. « Nos forces armées n’envisagent le recours à des tirs d’obus à forte capacité de pénétration que dans le cadre d’un volume strictement adapté à la nécessité opérationnelle, et uniquement contre des chars de combat surprotégés », explique le ministère de la Défense. « Dans ce contexte, elles n’ont à ce jour utilisé ce type de munitions ni au Mali, ni sur les différents théâtres d’opérations extérieurs sur lesquels elles ont été engagées. En revanche, il n’appartient pas à la France de se prononcer quant à l’éventuelle utilisation par l’un de ses alliés de ces munitions dont l’emploi n’est interdit ou limité par aucun instrument du droit international, y compris humanitaire », ajoute-t-il.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]