UE : Selon un rapport, la Marine nationale est la seule à être « réellement présente et crédible en Méditerranée »

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Alors qu’elle ne représente que seulement 1% de la surface des mers, la Méditerranée concentre plusieurs enjeux stratégiques de taille. Le premier est qu’elle reste une zone de passage essentielle au commerce maritime, avec 25% du trafic global, dont 30% du trafic pétrolier mondial, notamment grâce au Canal de Suez, essentiel pour l’approvisonnement en hydrocarbures de l’Europe.

Si l’on est reste à la question énergétique, la Méditerranée recélerait plus de 3.500 milliards de mètres cubes de gaz naturel, surtout dans sa partie orientale. Ces gisements, découverts au large de l’Égypte, de Chypre, d’Israël et du Liban, sont de nature à exacerber des tensions entre les pays concernés, comme cela s’est passé en octobre 2014, entre Ankara et Nicosie.

Second enjeu : le possible désintérêt américain – qui serait cependant relatif – pour cette région au profit de l’Asie-Pacifique, parallèlement à l’intérêt croissant de la Russie et de la Chine. Pour la première, en s’implantant militairement en Syrie, il s’agit de garantir un accès aux mers chaudes, de contenir une éventuelle extension de la menace jihadiste, via la Turquie et les républiques du Caucase, et de réaffirmer son statut de grande puissance.

Quant à la seconde, elle est présente en Méditerranée de par ses investissements dans les infrastructures portuaires. Sur le plan militaire, la marine chinoise y a participé à des exercices avec son homologue russe en 2015.

Une autre question de premier plan est celle des flux migratoires. À ce sujet, le rapport sur l’action de la Marine nationale en Méditerranée [.pdf], publié par les députés Jean-David Ciot et Alain Marleix, parle « d’échec relatif » de l’opération Sophia, lancée en juin 2015 par l’Union européenne pour « casser » le modèle économique des passeurs opérant depuis le littoral libyen.

Si elle est « essentielle » car elle a permis le sauvetage de milliers de vies, l’opération Sophia est dans le même temps « dérisoire » car « elle ne répond qu’aux symptômes de la crise et non à ses causes, bien plus globales. » En outre, avec des résultats modestes au égard à ses objectifs initiaux, elle aurait même créé un « appel d’air » pour les passeurs de migrants qui, grâce à la présence de navires européens à la limite des eaux libyennes, ont même « consolider leur activité en améliorant leur ‘offre' ».

Enfin, les questions sécuritaires, et en particulier celles liées au terrorisme, constituent un dernier enjeu de taille. « On peut actuellement distinguer quatre grands fronts jihadistes dans la zone Méditerranée et Afrique du Nord : le Levant (Syrie et Irak), la péninsule du Sinaï, la Libye et la bande sahélo-saharienne (BSS). Même si les prévisions en matière géopolitique sont un exercice difficile, on ne peut totalement ignorer le risque majeur que représenterait l’unification de ces quatre fronts », préviennent les députés Ciot et Marleix.

Face à ces enjeux, quels sont les moyens que peut mettre en oeuvre l’Union européenne? Les deux parlementaires ont fait un tour d’horizon des forces en présence en se posant la question suivante : « Quelles sont à l’heure actuelle les ‘vraies’ marines en Europe, capables matériellement et prêtes ‘psychologiquement’ à mener tout type de missions et d’opérations, y compris de haut du spectre? »

Bien qu’on ne pourra bientôt plus la compter parmi les marines de l’UE, Brexit oblige, la Royal Navy a été évoquée dans le rapport. Elle « reste une grande marine mais elle fait face à des défis et blocages majeurs, tant en termes de ressources humaines qu’en termes capacitaires. En outre, et pour ce qui concerne cette zone spécifique, la Méditerranée ne constitue plus une zone d’intérêt prioritaire pour elle », expliquent les députés.

La Deutsche Marine est, selon eux, hors jeu. « À l’image de l’ensemble des forces armées » allemandes, elle « n’a pas encore manifesté concrètement et substantiellement sa volonté à s’impliquer davantage dans les affaires stratégiques du monde », lit-on dans le rapport. Quant à la marine italienne, même si elle dispose de bâtiments dits de premier rang, elle s’est « en quelque sorte démilitarisée », menant quasi exclusivement des opérations de simple garde-côtes et ayant perdu des compétences critiques dans certains domaines essentiels (la lutte ASM notamment). » Enfin, soulignent les députés, l’armada espagnole doit faire face à des « problèmes budgétaires », qui se traduisent aussi par des « pertes de compétences », notamment en matière de lutte anti-sous-marine.

Par ailleurs, les coopérations avec ces différentes marines sont compliquées, principalement en raison de « modalités d’engagements différentes. » C’est « pourquoi je suis quelque peu réservé sur un approfondissement de la coopération vers un dispositif plus intégré », a ainsi fait valoir le député Jean-David Ciot, lors de l’examen du rapport en commission.

Alors, la conclusion s’impose d’elle-même. Avec 35% de ses navires et 14% de ses aéronefs basés sur la façade méditerranéenne, la Marine nationale est « est la seule marine européenne réellement présente et crédible en Méditerranée, car en mesure d’agir sur l’ensemble du spectre des missions », estiment les deux députés, tout en se défendant de faire preuve « d’arrogance ou de condescendance. » Et d’ajouter : « Au-delà de la capacité, elle en a la volonté, répondant ainsi aux instructions de l’autorité politique. »

Aussi, il faut faire en sorte de ne pas « baisser la garde ». « Porter l’effort de défense et le maintenir à un niveau cohérent par rapport aux menaces, aux risques, aux nécessités et responsabilités stratégiques et aux priorités politiques suppose une rigueur et des efforts constants et durables », préviennent MM. Marlex et Ciot.

Et cet effort doit permettre de conserver des capacités de lutte ASM « à un moment où la menace dans ce domaine est de plus en plus forte ainsi qu’en témoignent les actions menées par la flotte sous-marine russe notamment. » Il passe par la recherche d’une solution rapide aux « problèmes de disponibilité des hélicoptères NH 90 », par le maintien du « calendrier de livraison des sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda » (déjà retardé de deux ans) et la réalisation de « ‘trame frégate’ avec 15 bâtiments de premier rang, voire de la renforcer à l’avenir. »

Fort de ce constat, les députés en ont conclu qu’il est « l’Union européenne tienne enfin compte des efforts que la France est souvent bien seule à assumer pour assurer la sécurité des Français, mais aussi de l’ensemble des Européens ». Et cela pourrait passer par une « neutralisation au moins temporaire d’une partie des dépenses de défense pour le calcul des règles de déficit excessif. »

« Si l’on devait constater un désengagement américain au sein de l’Otan et si l’Union européenne se voyait contrainte d’augmenter son effort de défense, une telle modification des règles budgétaires européennes n’en serait que plus légitime », ont-ils plaidé.

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