Décès du colonel André Salvat, l’un des derniers Compagnons de la Libération
Le secrétaire d’État chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, Jean-Marc Todeschini, a annoncé le décès du colonel André Salvat, survenu le 9 février, à l’âge de 96 ans. « Je salue la mémoire de ce résistant exemplaire, qui a inlassablement fait preuve de courage et de détermination dans son engagement au service de la France. Son combat de Français Libre nous honore et nous oblige », a-t-il dit.
Né le 16 mai 1920 à Prades (Pyrénées-Orientales) et fils de modestes commerçants, il s’engage dans l’armée dès ses 18 ans, après avoir été enfant de troupe dans une école militaire préparatoire. Un an plus tard, il est affecté, avec le galon de sergent, au 24 Régiment d’Infanterie Coloniale (RIC), alors installé à Tripoli (Liban).
C’est là qu’il apprendra la signature de l’armistice avec l’Allemagne, voulu par le maréchal Pétain. Le 27 juin, le général Eugène Mittelhauser ordonne aux troupes françaises du Levant de déposer les armes.
Révolté, André Salvat n’a plus qu’une idée en tête : continuer le combat. « Un enfant de troupe doit se battre », pense-t-il. Et il n’est pas le seul à être dans cet état d’esprit. Sans avoir entendu l’appel lancé par le général de Gaulle sur les ondes de la BBC, une compagnie du 24e RIC, commandée par le capitaine Raphaël Folliot, décide de rejoindre les Britanniques en Palestine avec de faux ordres de mission.
Le général de Gaulle « avait dit ‘non’ à Pétain : il devenait donc notre patron », se souviendra-t-il 70 ans plus tard. Les 130 hommes du capitaine Folliot prennent alors la direction du camp Moascar en Égypte, où ils reçoivent des équipements et des armes fournis par l’armée britannique. Ils seront rejoints, quelques semaines plus tard, par 350 soldats du 3e bataillon du 24e RIC, emmenés par le capitaine Jean Lorotte de Banes. C’est ainsi que sera formé le 1er Bataillon d’Infanterie de Marine (BIM).
Cette première unité des « Free French » (Français Libres) reçoit son drapeau le 25 août 1940. Sans tarder, la compagnie du capitaine Folliot est envoyée dans la région de Marsa Matrouh (Égypte) pour rejoindre la 7e Division Blindée de la British Army, qui fait alors face à 200.000 soldats italiens.
En décembre, les Britanniques lancent une grande offensive en direction de la Libye. Les marsouins du 1er BIM participe à la conquête de Sollum et Sidi-Barrani. Et ils subissent leurs premières pertes. La section du lieutenant Barberot, à laquelle est affectée le sergent Salvat, s’illustre particulièrement en faisant plusieurs centaines de prisonniers à Bardia (6 janvier 1941). Suivent ensuite plusieurs autres combats, notamment à Tobrouk, Benghazi et El Agueila.
Au cours de cette première campagne de Libye menée contre les troupes italiennes, André Salvat est décoré de la Croix de la Libération. Mais les honneurs sont loin de lui monter à la tête. « On se battait pour le drapeau, pour l’honneur de la France. Je n’ai rien fait d’autre que mon devoir », dira-t-il dans un entretien donné en 2010 au quotidien La Dépêche.
Puis, en juin 1941, le jeune sous-officier participe à la campagne de Syrie, toujours avec le 1er BIM. Un épisode douloureux étant donné que des Français ont combattu d’autres Français, le tout sur fond de manigances britanniques visant à réduire l’influence de la France (Libre) au Levant. Cela étant, en septembre, André Salvat est désigné pour suivre les cours d’élève aspirant à Damas. À l’issue, il est affecté au Bataillon du Pacifique (BP 1).
Quelques mois plus tard, il prend part à la seconde campagne de Libye, et notamment à la fameuse bataille de Bir-Hakeim, au cours de laquelle les Français Libres vont marquer les esprits de par leur résistance héroïque face aux troupes du maréchal Rommel. L’aspirant Salvat y recevra sa première blessure.
En octobre 1942, promu sous-lieutenant, André Salvat participe à la bataille d’El-Alamein au sein du Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique (BIMP), créé par la fusion du 1er BIM et du BP 1. Puis, l’année suivante, il s’illustre lors de la campagne d’Italie, en particulier à San Giorgio où, blessé par balle à deux reprises, il refuse de se faire évacuer avant d’avoir rempli sa mission. Cette conduite au feu lui vaudra d’être cité à l’ordre de l’Armée.
Le lieutenant Salvat se distinguera à nouveau lors du débarquement en Provence, le 15 août 1944. La section qu’il commande résistera à pas moins de 6 contre-attaques allemandes au niveau de la cote 156 qu’elle venait de conquérir. Puis, il sera encore blessé lors des combats pour la libération de Toulon. Après une courte convalescence, il retrouve son unité en octobre. Il participe alors à la campagne d’Alsace, avant de terminer la guerre dans le massif de l’Authion, dans les Alpes.
Après la capitulation allemande, André Salvat continue sa carrière militaire. Fort de sa riche expérience acquise en peu de temps, il est muté en tant qu’instructeur à Coëtquidan puis en Afrique (Maroc, Sénégal, Congo-Brazzaville). Puis, en 1953, il rejoint l’Indochine, où il s’illustre à nouveau. Deux fois cité, il est malheureusement fait prisonnier.
Ayant survécu aux conditions terribles des camps Viet-Minh, le capitaine Salvat devient l’aide de camp du général Delange, adjoint au commandant la 10e Région militaire en Algérie. Puis, en 1957, il retrouve le terrain en tant que commandant du 2e Bataillon du 9e RIC, en Kabylie. Après une affectation de 4 ans en Allemagne, il est nommé commandant en second du 1er Régiment d’Infanterie de Marine (RIMa) vers la fin des années 1960, avant de partir à Kinshasa, en tant qu’attaché de défense. Puis André Salvat terminera sa riche carrière militaire auprès de l’amiral commandant en chef en Méditerranée, en qualité d’officier de liaison de l’armée de Terre (OLAT).
Compagnon de la Libération, le colonel Salvat était Grand Officier de la Légion d’Honneur et titulaire de la Croix de Guerre 39/45 avec 3 citations, de Croix de Guerre des TOE (2 citations) et de la Croix de la Valeur Militaire (1 citation).