Faute de moyens, la Marine nationale a laissé filer des pêcheurs illégaux en Nouvelle-Calédonie
Depuis plusieurs semaines, et dans le cadre de l’opération UATIO, les Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) ont arraisonné, à plusieurs reprises, des « blue boats » vietnamiens, pêchant illégalement dans les eaux françaises. C’est ainsi que plusieurs tonnes d’holothuries (ou « concombres de mer ») ont été saisies par la Marine nationale.
L’objectif de cette opération, appelée à s’inscrire dans la durée, vise « à dénier toute rentabilité de ces campagnes de pillage » et « à dissuader les ‘blues boats’ de fréquenter nos eaux territoriales », explique la Marine nationale.
Mais, pour le moment en tout cas, les « blue boats » vietnamiens ne sont nullement découragés à venir pêcher illégalement dans les eaux néo-calédoniennes. Et ils ne le seront sans doute pas davantage après le rocambolesque épisode qui s’est passé le 27 janvier.
Ainsi, au cours de la phase 6 de l’opération UATIO, au moins 8 embarcations vietnamiennes, dont des récidivistes, furent repérées le 18 janvier par un avion de surveillance maritime Guardian. Trois jours plus tard, le Bâtiment multimissions (B2M) « D’Entrecasteaux », récemment entré en service, arraisonna l’une d’elles au nord des îles Belep. Puis, le patrouilleur « La Moqueuse » en fit de même avec deux autres « blue boats », dont le « meneur » de la flottille, qui cherchait à s’enfuir en direction du Vanuatu.
« La flottille qui faisait des incursions répétées dans la zone économique exclusive calédonienne ces dernières semaines est démembrée . Trois de ses navires les plus significatifs ont été déroutés [vers le port de Nouméa, ndlr] et les cinq autres répertoriés. Des procès-verbaux pour refus d’obtempérer ayant été dressés à l’encontre des navires en fuite, ceux-ci seront déroutés dès qu’ils seront de nouveau interceptés en ZEE calédonienne », se félicitait alors l’état-major des FANC.
Quant aux trois capitaines des « blue boats » vietnamiens, ils furent jugés en comparution immédiate et condamnés, par le tribunal correctionnel de Nouméa, à de la prison ferme (8 mois pour deux d’entre eux et 10 mois pour le troisième). Fin de l’histoire? Pas vraiment… Car deux des embarcations arraisonnées par la Marine nationale, bien que privées de leur système GPS et de leurs cartes de navigation, réussirent à prendre la tangente dans la nuit du 25 au 26 janvier, avec 40 marins à bord.
Dès que la disparition des deux « blue boats » fut signalée, l’avion de surveillance Guardian ainsi qu’un hélicoptère Puma et un Casa CN-235 de l’armée de l’Air furent immédiatement sollicités pour les repérer. Ce qui fut rapidement fait, les deux embarcations ayant été localisées vers l’ouest, à 100 nautiques de Nouméa. Il ne restait alors plus qu’à dépêcher un navire de la Marine.
Seulement, aucun n’était disponible. Le patrouilleur P400 « La Moqueuse », victime de soucis techniques, avait en effet dû être remorquée par la Dumbéa, la vedette de la gendarmerie maritime, à l’issue de la phase 6 de l’opération UATIO. Et le D’Entrecasteaux était aussi dans l’impossibilité de prendre la mer, à cause d’une avarie.
« Le B2M est un bateau récent. On ouvre le domaine opérationnel de ce bateau qui est une plateforme extraordinaire. Cela dit, la chaîne logistique n’est pas encore parfaite. Là, il y a une avarie qui l’empêche d’appareiller et qui nécessite que l’on fasse venir des pièces de métropole. Et donc il ne sera pas disponible pendant quelques jours », a expliqué, à Nouvelle Calédonie 1ère, le capitaine de vaissau Jean-Louis Fournier, le commandant de la zone maritime.
Quant aux deux autres navires affectés aux FANC, à savoir la frégate de surveillance « Vendémiaire » et le patrouille P-400 « La Glorieuse », ils étaient encore en arrêt technique.
« Les P-400 ont maintenant presque 30 ans d’âge. On les maintient avec beaucoup d’énergie. Ce sont des bateaux puissants qui nécessitent un entretien lourd. (…) Ce que l’on doit faire absolument, c’est de préserver notre patrimoine mais, malheureusement, nos bateaux ne sont pas remplacés à la cadence que l’on voudrait », a souligné le capitaine de vaisseau Fournier, qui a précisé que les « blue boats » vietnamiens allaient être traqués par la marine australienne.
Quoi qu’il en soit, cet épisode démontre, s’il en était encore besoin, l’urgence de lancer le programme BATSIMAR (Bâtiment de surveillance et d’intervention unique), déjà reporté à maintes reprises à cause de « contraintes budgétaires »
« Ceci revêt pour moi une grande importance : ce qui est laissé vide sera pillé. Nous devons exercer notre souveraineté dans ces zones économiques avec les bâtiments de surveillance et d’intervention maritime », avait plaidé, l’automne dernier, devant les sénateurs, l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM). D’ici 2020, les moyens affectés à la surveillance maritime des DOM/TOM seront réduits de 60%… De quoi réjouir les pêcheurs illégaux…