L’impair diplomatique de M. Trump risque de mettre Taïwan sous pression

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En ayant une conversation téléphonique avec la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, Donald Trump, qui s’installera dans le bureau ovale le 20 janvier prochain, a, en seulement quelques minutes, réduit en miettes l’un des grands principes des relations entre Washington et Pékin.

Pour rappel, quand les États-Unis reconnurent officiellement la République populaire de Chine, ils s’engagèrent dans le même temps à rompre leurs liens diplomatiques avec Taïwan, île considérée comme rebelle par Pékin et adoptèrent le principe de « Chine unique » (ou d’une « seule Chine »). Et, dans le même temps, les relations avec Taipeh furent définies par le Taiwan Relations Act, adopté en 1979. C’est sur la base de ce texte que l’industrie américaine de l’armement est devenue le principal fournisseur des forces armées taïwanaises.

Seulement, la conversation qu’a eue Donald Trump avec la président taïwanaise, le 2 décembre dernier, a remis en cause le principe de « Chine unique » et mis la diplomatie américaine dans un embarras certain. D’autant plus que la réaction chinoise a été très vive.

Après cet impair, l’on aurait pu penser que M. Trump allait calmer le jeu (et comprendre que l’on ne traite pas les questions internationales comme les affaires d’une agence immobilière…). Peine perdue. Usant et abusant de Twitter, le futur locataire de la Maison Blanche en a remis une couche.

« Est-ce que la Chine nous a demandé si c’était OK de dévaluer leur monnaie (ce qui complique la tâche de nos entreprises pour être compétitives), de lourdement taxer nos produits importés dans leur pays (les Etats-Unis ne les taxent pas) ou de bâtir un vaste complexe militaire en mer de Chine du sud? Je ne crois pas! », s’est-il offusqué en deux « tweets ».

Des propos qui ont mis le feu aux poudres en Chine, la presse officielle appelant les autorités à augmenter les dépenses militaires et à se « préparer au pire ». « Ce qui est arrivé ces dernières semaines laisse supposer que les relations sino-américaines sont face à des incertitudes comme jamais auparavant : Trump ne fait pas qu’aboyer, il peut mordre aussi », a ainsi ecrit le China Daily.

Et la tension n’a pas eu le temps de retomber que M. Trump est une nouvelle fois revenu à la charge. Près d’une semaine après sa conversation avec la présidente taïwanaise, il a laissé entendre, lors d’un entretien accordé à Fox News, qu’il remettrait en cause le principe d’une « seule Chine ».

« Je ne sais pas pourquoi nous devons être liés à la politique de la ‘Chine unique’, à moins que nous ne passions un accord avec la Chine pour obtenir d’autres choses, y compris sur le commerce », a en effe lancé M. Trump, qui, par ailleurs, compte dans son entourage des gens proches de Taïwan.

La réaction chinoise à ces dernières déclarations s’est faite en deux temps. Le 12 décembre, le ministère chinois des Affaires étrangères s’est dit « gravement préoccupé » par les propos de M. Trump. Et si Washington devait revenir sur le principe de « Chine unique », alors « il ne saurait plus être question de croissance saine et régulière des relations sino-américaines ni de la coopération bilatérale dans d’importants domaines », a-t-il prévenu.

Et d’insister : « La question de Taïwan touche à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Chine. Elle est liée aux intérêts fondamentaux de la Chine. Le respect du principe de la Chine unique est le socle du développement des relations sino-américaines. »

Puis, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, a haussé le ton. « S’il essaie de saboter la politique d’une Chine unique ou de porter atteinte aux intérêts essentiels de la Chine, au final il soulèvera un rocher qui lui écrasera les pieds », a-t-il dit en parlant de M. Trump.

Pour le moment, on en reste aux mots. Toutefois, ces échanges sont susceptibles d’avoir des conséquences militaires. Coïncidence ou pas, Taïwan a fait état, le 11 décembre, du vol d’une formation d’au moins d’avions chinois (dont 2 chasseurs Su-30, 2 bombardiers H-6 et 2 appareils de renseignement électronique Tu-154 et Y-8) à proximité immédiate de son espace aérien.

Les avions militaires chinois ont aussi survolé le détroit de Miyako, qui sépare les îles nippones de Miyako et Okinawa, en mer de Chine orientale. Et a priori, cela a donné lieu à un incident avec des F-15 japonais, lesquels ont été accusés par Pékin d’avoir entrepris des actions « dangereuses et non professionnelles », ce que Tokyo a vigoureusement démenti.

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