La Marine a passé un pacte de « non agression » avec le secteur privé pour garder ses spécialistes

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Gérer le personnel de la Marine nationale est un exercice à la fois compliqué et délicat. Sur un navire, il faut « rassembler le plus grand nombre de compétences dans l’équipage le plus petit possible », a résumé l’amiral Christophe Prazuck, son chef d’état-major (CEMM), lors d’une audition au Sénat.

En outre, et contrairement à la gestion des ressources humaines au sein d’une entreprise privée, la Marine, comme les autres armées, raisonne en termes de flux et non en « stock » d’employés. En clair, il faut faire en sorte que les équipages aient une moyenne âge d’au moins 28-30 ans (« Il n’existe pas de marine avec des matelots de cinquante ans », a souligné le CEMM), ce qui suppose un renouvellement d’environ 10% des effectifs par an. Dans le même temps, il faut pouvoir compter sur des marins compétents et expérimentés dans leur domaine de spécialité, d’où un gros effort en matière de formation.

À cela s’ajoute une autre difficulté : il ne suffit pas de recruter des futurs spécialistes. En effet, les recrues potentielles de la Marine doivent accepter un mode de vie qui va à-rebours des aspirations actuelles. « Partir loin, longtemps, laisser sa famille, vivre dans une communauté, un équipage, parfois avec quelqu’un qui vous agace, à côté de qui vous allez vivre durant 70 jours, demande des compétences qui ne sont pas techniques », a expliqué l’amiral Prazuck.

Par ailleurs, la Marine compte des marins ayant des compétences particulièrement recherchées par le secteur civil, notamment dans les domaines du nucléaire, de l’informatique, de l’aéronautique et de l’hydraulique. Et les sirènes du privé leur promettent moins de sujétions et un salaire plus élevé. D’où la tentation de ne pas renouveler leur contrat…

« Actuellement, sur le Charles-de-Gaulle, j’ai vingt-quatre Rafale et un taux de disponibilité de 94 %. Les marins qui en sont responsables sont en mer depuis début septembre, et travaillent dans un hangar. Il existe un savoir-faire, une autonomie et un sens du travail en équipe remarquables, et on vient me les retirer! », a déploré l’amiral Prazuck.

Aussi, a-t-il dit aux sénateurs, « nous avons donc passé des pactes de non-agression avec certaines entreprises, et je dispose d’une prime de fidélisation que je peux accorder à ceux qui sont dotés d’une compétence particulière. Il y a deux ans, j’en avais soixante à distribuer. Pour ce faire, j’ai dû en approcher plus de deux cents, qui devaient en échange signer un engagement à rester au service. »

Plus globalement, la gestion des ressources humaines est un point de vigilance pour l’amiral Prazuck, comme d’ailleurs pour tous ses homologues européens. Outre la fidélisation des marins disposant de compétences « pointues », il a dit avoir l’intention d’améliorer l’attractivité de l’embarquement et de porter une attention particulière sur les marins âgés de 30 à 40 ans, lesquels ont, « dans nos études sociologiques », le « plus de difficultés à joindre les deux bouts. »

« Il existe un taux de chômage important parmi les conjoints de marins, ainsi que des difficultés de logement. Il est important pour moi de développer une politique sociale adaptée aux situations que rencontrent les marins à Brest et Toulon, qui sont singulières et différentes. On peut avoir des politiques globales, mais la situation qui existe à Toulon est différente de celle de Brest, et il faut en tenir compte », a expliqué le CEMM.

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