Un nouveau chef d’état-major pour les forces armées pakistanaises

bajwa-20161128La nomination d’un nouveau chef d’état-major au Pakistan n’est jamais anodine étant donné que ce pays, doté de l’arme nucléaire est instable à cause d’une prolifération de groupes terroristes, que l’armée y est généralement mieux considérée que le pouvoir politique, jugé corrompu et inefficace par l’opinion publique, et qu’il peut être engagé dans un conflit majeur avec l’Inde en raison d’une dispute territoriale au sujet du Cachemire.

Au terme d’un mandat de trois ans passées à la têtes des forces armées pakistanaises, le général Raheel Sharif quittera ses fonctions le 29 novembre, alors que de nombreux Pakistanais espéraient le voir maintenu à son poste dans la mesure où son action, marquée par une vaste une offensive contre les groupes islamistes armés proches d’al-Qaïda [dont certains ont des relations troubles avec l’ISI, les services de renseignements pakistanais, ndlr] et implantés dans la région tribale du Nord-Waziristan, a permis de réduire le nombre d’attaques terroristes dans le pays.

Cela étant, le 26 novembre, le gouvernement pakistanais a indiqué que le général Sharif serait prochainement remplacé par le lieutenant-général Qamar Javed Bajwa, lequel occupait jusqu’à présent les fonctions d’inspecteur chargé de la formation et de l’évaluation militaire à l’état-major de Rawalpindi. De l’avis de plusieurs observateurs, ce choix est un peu surprenant étant donné que le favori pour occuper ce poste était le général Zubair Hayat, actuellement chargé des opérations et du renseignement militaire.

« Beaucoup de considérations entrent en jeu, et pas uniquement le grade. Cela peut apparaître un peu surprenant mais pas inattendu », a expliqué Imtiaz Gul, un spécialiste pakistanais de questions de sécurité sollicité par l’AFP.

A priori, la proximité – certains parlent même de complicité – du général Bajwa avec celui qu’il va remplacer a dû être déterminante dans le choix du gouvernement pakistanais. Discret, c’est un « c’est un bon militaire professionnel. Il s’en tiendra à son travail et ne se mettra pas beaucoup en avant », a expliqué Ayesha Siddiqa, une spécialiste des questions de défense.

Quoi qu’il en soit, le futur chef d’état-major pakistanais a plusieurs défis à relever. En effet, si leur nombre a baissé depuis deux ans, les attaques terroristes restent encore à un niveau relativement élevé, notamment au Balouchistan, comme l’a encore montré l’attentat ayant visé, le 12 novembre, le sanctuaire soufi Shah Noorani (60 tués). Cette attaque a depuis été revendiquée par l’État islamique, qui ne cesse de prendre de l’importance au Pakistan.

À ce sujet, l’émergence de l’EI dans le pays s’accompagne d’une tendance plutôt inquiétante, certains groupes armés jusqu’alors proche d’al-Qaïda se tournant désormais vers cette organisation jihadiste, comme vient de l’annoncer le groupe Lashkar-e-Jhangvi (LeJ), dont la direction fut pourtant décimée en 2015.

Ce dernier a en effet annoncé, le 26 novembre, qu’il « travaillerait avec quiconque l’aidera contre l’armée pakistanaise », y compris avec l’EI. Étant sous pression en Syrie et en Irak, l’organisation cherche d’autres points de chute, en nouant des alliances avec des groupes islamistes locaux pour tenter d’élargir son influence.

Un autre dossier important qui attend le général Bajwa est celui du Cachemire, où les incidents sur la ligne de contrôle (LoC) avec l’Inde sont quasi-quotidiens. Enfin, la relation avec les États-Unis, qui ont versé des milliards de dollars d’aide militaire au Pakistan, sera à regarder de près. Le général Sharif avait réussi à arrondir les angles après le raid américain contre Oussama Ben Laden, le chef d’al-Qaïda, à Abbottabad.

Mais l’arrivée d’une nouvelle administration à Washington risque fort de redistribuer les cartes. Le prochain locataire de la Maison Blanche, Donald Trump, pourrait en effet considérer qu’il est plus avantageux de travailler avec l’Inde qu’avec le Pakistan, surtout au niveau commercial. Ce qui pourrait jeter un froid entre les deux pays, surtout si l’aide financière américaine dont bénéficie l’armée pakistanaise est drastiquement réduite…

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]