Le successeur du porte-avions Charles de Gaulle devrait coûter au moins 4 milliards d’euros

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La semaine passée, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a estimé qu’il serait « sans doute souhaitable » de doter la Marine nationale d’un second porte-avions, avant d’ajouter que cette question pourrait être posée au moment de l’élaboration de la prochaine Loi de programmation militaire (LPM).

Seulement, le porte-avions Charles de Gaulle devrait être retiré du service à l’horizon 2040-41. Sa construction ayant débuté en 1987, il aura fallu attendre 14 ans pour le voir participer à sa première mission dans l’océan Indien (Heraclès), en soutien des opérations alors menées en Afghanistan suite aux attentats du 11-Septembre. En clair, il n’est pas trop tôt pour penser à ce que sera son successeur. Ainsi, plusieurs choix techniques sont en balance, à en croire le rapport du député Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis sur les crédits destinés en 2017 au programme 146 « Équipement des forces »

En premier lieu, il est acquis que ce futur porte-avions sera plus lourd que son prédécesseur, qui affiche déjà 42.500 tonnes à pleine charge. Et cela, en raison de l’évolution des normes de sûreté et de l’amélioration du blindage. Du moins, c’est ce que pense Laurent Collet-Billon, le Délégué général pour l’armement (DGA).

Cet aspect peut jouer sur le choix de la propulsion du successeur du Charles-de-Gaulle : sera-t-elle classique ou nucléaire? Les deux porte-avions britanniques, en cours de construction, auront une chaufferie classique alors qu’il déplaceront chacun 60.000 tonnes. Mais il faut prendre en compte une autre variable : le maintien des compétences de la filière nucléaire. L’enjeu est d’autant plus fondamental qu’en dépend l’avenir de la Force océanique stratégique (FOST).

C’est ce que souligne d’ailleurs Hervé Guillou, le Pdg du constructeur naval DCNS, qui connaît actuellement un « problème de qualité du travail » qui va retarder la livraison du premier sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de type Barracuda.

« DCNS est reparti de rien, car six ans après Le Terrible [sous-marin nucléaire lanceur d’engins, SNLE], l’équipe nucléaire a du tout réapprendre », a-t-il confié au député Jean-Jacques Bridey. Et ce dernier d’expliquer : « Pour des économies de court terme, une large part des compétences des ateliers de Cherbourg n’a pas été entretenue, et ce d’autant que la main-d’œuvre en question est rare, surtout dans le Cotentin, où Flamanville [où un réacteur EPR est en construction, ndlr] fait concurrence. » Qui plus est, a insisté M. Guillou, « en cinq ans, les standards ont changé, et ce que l’on tolérait il y a vingt ans n’est plus toujours conforme aux standards actuels. »

Le maintien de ces capacités industrielles concerne aussi Areva TA. « Il y a aussi une question d’entretien des compétences après l’arrêt technique majeur du Charles-de-Gaulle et la conception du Barracuda », a ainsi souligné l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM). En outre, pour lui, kes « bénéfices du nucléaire en matière d’endurance sont manifestes, même si le coût d’investissement est plus élevé ».

Une autre question qui se pose porte sur le moyen de lancer les avions depuis le pont du porte-avions : en restera-t-on aux catapultes à vapeur ou bien passera-t-on au catapultage électromagnétique, comme la marine américaine, ce qui suppose de disposer de générateurs plus puissant?

La seconde piste semble privilégiée. En effet, le directeur des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), François Geleznikoff, a laissé entendre que le catapultage électromagnétique serait même préférable étant donné qu’il permettrait « d’améliorer les choses » car les « pics d’énergie qu’il demande nécessitent des dispositifs d’accumulation d’énergie dont le chargement peut être lissé dans le temps. » Ainsi, avec ce mode, « on charge de l’énergie dans le temps, ce qui fait donc moins de pics de besoin qu’avec la vapeur », a-t-il expliqué.

Reste la question du prix. Le DGA estime que l’investissement nécessaire pour construire un tel navire serait de l’ordre de 4 milliards d’euros, développement compris. À moins qu’il soit possible de chercher d’éventuels « effets d’entraînement » dans le cadre d’une coopération industrielle avec l’Inde, qui a l’intention de se doter d’un troisième porte-avions dans les 10 ans à venir.

Quant à doter la Marine nationale de deux porte-avions du même type, c’est une autre affaire. Le Conseil de défense du 23 septembre 1980 avait en effet décidé de commander deux navires de ce type à propulsion nucléaire. Mais les contraintes budgétaires eurent finalement raison de cette ambition.

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