Les stratégies de déni d’accès préoccupent le chef d’état-major de l’armée de l’Air
Avec les disputes territoriales en mer de Chine méridionale et la stratégie actuellement suivie par la Russie dans la région de la Baltique, en mer Noire et en Méditerranée orientale, il est souvent question, ces temps-ci, de la notion d’interdiction et de déni d’accès (A2/AD pour Anti-Access/Area Denial).
Un terme que le chef des opérations navales de l’US Navy, l’amiral John Richardson, n’apprécie apparemment pas beaucoup car il serait trop « réducteur » à son goût. En effet, comme il s’en est expliqué, cette expression met trop en avant l’idée de « bulle défensive » alors que les opérations qu’elle est censée décrire sont un peu plus compliquées qu’elle ne le laisse supposer étant donné les capacités qu’elles requièrent. En outre, ce type de stratégie n’est pas totalement défensive dans la mesure où, comme on le voit en mer de Chine méridionale, elle permet de s’approprier des territoires tout en dissuadant toute opération militaire visant à la récupérer.
Quoi qu’il en soit, le général André Lanata, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), la prolifération de ces stratégies dites de déni d’accès sur des théâtres d’opérations ou chez plusieurs puissances régionales sont préoccupantes, surtout dans le domaine qui l’intéresse, c’est à dire la « troisième dimension ».
« La liberté d’action dans la troisième dimension est un préalable à toutes nos opérations militaires. Il ne faut jamais l’oublier. Il s’agit là d’un enjeu majeur selon moi qui doit alimenter les réflexions de l’avenir de notre système de combat aérien », a en effet souligné le général Lanata, lors d’une audition devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées.
« Nous sommes préoccupés par le problème du déni d’accès, et je le suis d’autant plus en tant qu’aviateur. Aucune opération aérienne, ni même aucune opération militaire quelle qu’elle soit, n’est possible sans la maîtrise de la troisième dimension », a insisté le CEMAA.
Pour les puissances qui développent une telle stratégie, il s’agit en partie de « répondre » à la « supérioté aérienne occidentale ». Aussi, pour le général Lanata, il est absolument « indispensabe de poursuivre nos efforts pour conserver ces supériorité aérienne ».
« Cette tendance concerne par exemple des systèmes sol-air performants qui sont par ailleurs cédés à des puissances régionales, compliquant la situation sur certains théâtres. Ce sont également des chasseurs de dernière génération qui concernent cette fois le domaine air-air. Le domaine cyber constitue également un point d’attention », a expliqué le CEMAA.
Or, ces capacités d’interdiction sont de nature à empêcher toute entrée sur un théâtre extérieur, faute de pouvoir s’assurer d’une supériorité aérienne, et donc, de la maîtrise du ciel. Aussi, pour le général Lanata, il est important « savoir comment cette menace va évoluer à l’horizon 2030 » afin de « développer les technologies nous permettant de maintenir notre supériorité. » D’autant plus que cela concerne au premier chef la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire.
S’agissant de ces technologies, le général Lanata a livré quelques pistes. Selon lui, elles pourraient concerner la « discrétion » mais aussi « les armements destinés à neutraliser les défenses. » Mais la réponse, a-t-il précisé, « ne pourra pas venir seulement des avions de combat ». Et c’est donc « tout le système de combat aérien qu’il est nécessaire de penser dans son ensemble ». Ce qui passe par les drones, les systèmes de commandement, les échanges de donnée.
« C’est cette réflexion qui permettra d’ailleurs probablement de desserrer la contrainte sur les vecteurs eux-mêmes. Il s’agit aussi de travailler sur les liens entre plusieurs plates-formes pour neutraliser les défenses ennemies », a estimé le CEMAA.
En tout cas, pour le général Lanata, il ne fait pas de doute que cette question du déni d’accès sera le « grand enjeu de la prochaine décennie car l’avenir de l’aviation de chasse et celui de la composante aéroportée de la dissuasion en dépendent. »