Menace terroriste : le général de Villiers s’interroge sur l’externalisation du gardiennage des sites militaires

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Fin septembre, le ministère belge de la Défense a confirmé la diffusion, via la messagerie Telegram, de photographies de militaires désignés comme étant des cibles par Rachid Kassim, une des figures francophones de l’État islamique.

L’affaire a donc été prise très au sérieux à Bruxelles, d’autant plus que l’on retrouve le nom de ce jihadiste dans plusieurs affaires de terrorisme en France. C’est en effet Rachid Kassim qui a inspiré l’assassinat d’un couple de policiers à Magnanville ainsi que celui d’un prêtre à Saint-Etienne-du-Rouvray. Sans parler des arrestations récentes de jeunes radicalisés à qui il avait demandé de passer à l’action en France.

Pour le moment, rien n’indique que Rachid Kassim ait donné une liste aussi précise de soldats français à attaquer. Mais il n’en demeure pas moins que la menace reste très élevée. D’ailleurs, des projets d’attentats contre des sites du ministère de la Défense ont déjà été déjoués en France (sémaphore du cap Béar et base navale de Toulon en 2015) et des militaires engagés dans l’opération Sentinelle ont été attaqués (comme à Nice, en février 2015 ou à Valence, le 1er janvier 2016).

Aussi, cette menace terroriste contre les militaires (ainsi que leurs familles) est l’un des points de vigilance du général Pierre de Villiers, le chef d’état-major des armées (CEMA).

« La menace terroriste qui pèse sur notre pays vise aussi – et peut-être en priorité – les militaires pour ce qu’ils représentent. Nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la sécurité de nos installations, de nos militaires et de leurs familles », a en effet affirmé le général de Villiers, lors de son audition à l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2017.

Le CEMA ne s’est pas trop attardé sur les pistes envisagées pour renforcer cette sécurité, si ce n’est qu’il s’agit « de se protéger sans se retrancher ». Toutefois, selon lui, la politique d’externalisation du ministère de la Défense dans certains domaines est un point à examiner de près.

« Nous devons notamment nous interroger sur la pertinence de l’externalisation de certaines fonctions, comme celle du gardiennage », a en effet estimé le CEMA.

Or, ces dernières années, la surveillance de sites militaires a été confiée à des entreprises privées. Des appels d’offres allant dans ce sens ont en effet régulièrement été lancés, comme pour la base navale de Toulon, en 2015 ou encore la base aérienne de Salon de Provence et le Centre national d’entraînement Commando (Cnec) sur les sites de Collioure et de Mont Louis (66), en 2013.

« Le personnel affecté sur chaque emprise doit rester le premier acteur d’une défense collective, cohérente et coordonnée », a estimé le général de Villiers. « Un effort doit également être produit en termes de durcissement des installations. Ce sera le cas en 2017 et 2018 grâce à la priorité définie en programmation. Il faudra poursuivre les opérations engagées au-delà de 2018. Cela passera nécessairement par des dépenses d’infrastructures et de personnel supplémentaires », a-t-il continué.

Mais tout cela ne servirait à rien dans le cas d’une attaque de l’intérieur, c’est à dire commise par un soldat « radicalisé ». Un point sur lequel le CEMA est tout aussi vigilant.

« Nous incarnons la France dans sa diversité, sa globalité et son hétérogénéité. De fait, certains jeunes Français sont radicalisés, et nous veillons à ne pas les recruter. Tel est l’objet du contrôle préalable au recrutement effectué par la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD) », a-t-il expliqué.

Cependant, a continué le général de Villiers, « un être humain peut évoluer et le processus de radicalisation est parfois très rapide. » Aussi, le « commandement se doit donc d’être très vigilant », a-t-il dit. Et pour empêcher un tel phénomène, la solution, pour le CEMA, passe par « l’humanité », le « meilleur contrepoison contre la radicalité. »

« En effet, les jeunes qui sont susceptibles de se radicaliser ou qui le sont déjà ont lâché prise humainement ; ils sont désespérés car ils ne croient plus en l’humanité. Un chef doit connaître ses hommes et doit déceler les évolutions », a fait valoir le général de Villiers.

« Face à ce phénomène, j’ai donc donné pour consigne de maintenir ce sens de l’humanité dans le commandement et d’observer quotidiennement le comportement des intéressés. Dans les armées, nous avons en effet l’avantage d’être ensemble 24 heures sur 24, et parler à un militaire de sa vie privée n’est pas considéré comme une intrusion; cela fait partie de notre culture car lorsqu’un soldat part au combat, nous avons besoin de savoir quelle est sa situation personnelle, ce qui peut le déstabiliser ou le préoccuper », a expliqué le CEMA.

Aussi, il faut « remobiliser sans cesse le commandement pour qu’il n’oublie pas de faire preuve d’humanité et qu’il ait le souci de connaître ses personnels. C’est finalement la seule mesure véritablement efficace, une fois le contrôle élémentaire effectué », a insisté le général de Villiers.

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