Il y a 100 ans, le croiseur auxiliaire Gallia coulait avec 1.650 soldats français à bord

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C’est une tragédie généralement oubliée par les livres d’histoire, l’attention étant davantage portée sur les batailles de la Première Guerre Mondiale ayant eu lieu sur le front de l’ouest, comme celles de Verdun ou de la Somme. Pourtant, l’importance des combats menés sur le front oriental n’a pas à être autant minimisée.

C’est à l’automne 1914 que l’idée d’ouvrir un second front dans les Balkans est envisagée. Il s’agit, pour la France, de défendre ses intérêts en Orient, d’inciter les États neutres à choisir leur camp, de préférence celui de l’Entente, et d’obliger les puissances de la Triple Alliance (Empire allemand, Autriche-Hongrie, Empire Ottoman et royaume de Bulgarie) à se défendre.

Dans un premier temps, il est décidé, d’un commun accord avec les Britanniques, de porter l’effort contre l’Empire Ottoman afin pouvoir ravitailler la Russie par la mer Noire et d’encercler les Empires centraux. Ce qui donnera lieu aux échecs des Dardanelles et de Galipoli, lesquels aboutiront au repli des forces franco-britanniques à Salonique, où elles établiront un camp retranché. L’objectif est alors d’atténuer l’influence allemande sur la Grèce, de prêter main forte à la Roumanie quand elle entrera en guerre (ce qui sera fait le 26 août 1916) et d’appuyer l’armée serbe reconstituée face à la Bulgarie.

Afin de renforcer les effectifs présents à Salonique, 1.650 soldats français, issus des 55e, 59e et 113e Régiment d’Infanterie Territoriale (RIT) ainsi que du 35e Régiment d’Infanterie et du 15e Escadron du Train des Équipages militaires, embarquent, le 3 octobre 1916, à Toulon, à bord du croiseur auxiliaire Gallia, en même temps que 350 fantassins serbes.

Mis en service en novembre 1913, le Gallia est en réalité un paquebot transatlantique de la Compagnie de navigation Sud-Atlantique, réquisitionné deux ans plus tard pour être transformé en croiseur auxilaire dédié au transport de troupes. Normalement, il aurait dû être accompagné pour son voyage vers Salonique par le croiseur protégé Guichen. Mais, étant victime d’une avarie, ce dernier reste au port.

Peu après avoir appareillé, l’équipage du Gallia reçoit un message l’avertissant de la présence d’un sous-marin allemand venant des Balérares et faisant route vers l’Adriatique. Il s’agit de l’U-35, commandé par le Kapitänleutnant (Lieutenant de Vaisseau) Lothar von Arnauld de La Perière, dont l’arrière-grand-père, français, s’était mis au service du roi de Prusse.

Or, le Kapitänleutnant Lothar von Arnauld de La Perière est un « as » de la guerre sous-marine. Avec le U-35, dont il a pris le commandement un an plus tôt, il a effectué 14 missions au cours desquelles il a coulé l’équivalent de 450.000 tonneaux (soit près de 190 navires marchands).

Et, malheureusement, la route du Galia va croiser celle du U-35… entre les côtes de Sardaigne et la Tunisie.

Le soldat Constant Paquet, du 59e RIT, raconte : « On était en train de manger quand tout d’un coup, une formidable explosion se produisit, notre repas finit en même temps. On s’était dit tout de suite : « ça y est, nous sommes foutus. On ne se tourmentait pas trop, les sous-officiers passaient en disant ‘ce n’est rien, c’est une avarie de machine’. Je tendis la tête au-dessus du bord et je vis que le navire commençait à s’enfoncer et à 4 ou 5 mètres de nous, une chose noire sortait de l’eau, c’était le sous-marin qui nous regardait couler. Les marins commencèrent aussitôt à descendre les barques et tout le monde se précipitait dedans, il fallait descendre par des cordes de 7 ou 8 mètres de hauteur. Il y en avait qui sautaient du haut. »

La torpille lancée par le U-35 a touché le Gallia au niveau de la soute arrière tribord, là où étaient entreposées les munitions et les armes. D’où l’explosion « formidable » évoquée par le soldat Constant Paquet, laquelle n’a laissé aucune chance au navire, qui coule en moins de 15 minutes.

« L’affolement s’empara d’un grand nombre de camarades qui n’avaient pu conserver leur sang-froid. C’était des cris, des hurlements… Les uns appelaient leur père et leur mère, d’autres leur femme et leurs enfants, chacun se précipitait sur le pont supérieur dans un pêle-mêle indescriptible. À ce moment de panique, je vis un sous-officier, dans un geste de démence, se brûler la cervelle avec son revolver », témoignera Constant Bon, du 55e RIT.

Ce dernier, après avoir réussi à monter à bord d’une chaloupe, dira encore : « Nous avions à peine parcouru 200 mètres que le malheureux Galia, piquant de l’arrière, s’enfonçait dans les flots et disparaissait pour toujours. 1.846 malheureux étaient encore à son bord. Ils furent tous engloutis. »

Le lendemain, le croiseur Châteaurenault arrivera sur les lieux du drame et sauvera environ 600 naufragés.

En décembre 1919, l’ancien paquebot transatlantique sera cité à l’ordre de l’armée. « Le croiseur auxiliaire Gallia : torpillé le 4 octobre 1916 par un sous-marin ennemi, au large de San-Pietro (Sardaigne), alors qu’il transportait des troupes. Tous à bord ont donné le plus bel exemple de courage, de sang-froid et de discipline », indique le texte.

Quant au Kapitänleutnant von Arnauld de La Perière, promu amiral par la suite, il prendra, en 1940, le commandement de la marine allemande en Bretagne occupée et perdra la vie le 1er février 1941 dans un accident d’avion au Bourget.

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