Srebrenica : D’anciens Casques bleus néerlandais veulent attaquer leur gouvernement en justice

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En juillet 2014, le tribunal de la Haye a déclaré l’État néerlandais civilement responsable de la mort de 300 personnes à Srebrenica pendant la guerre de Bosnie (1992-1995), estimant que le bataillon batave chargé de leur sécurité (Dutchbat III) n’auraient pas dû les évacuer de la base où elles s’étaient réfugiées.

« L’État est responsable de la perte subie par les proches des hommes qui ont été déportés par les Serbes de Bosnie depuis les bâtiments du Dutchbat à Potocari dans l’après-midi du 13 juillet 1995 », avait déclaré la juge Larissa Elwin.

« Le Dutchbat n’aurait pas dû laisser partir les hommes de leurs bâtiments » et aurait « dû tenir compte de la possibilité que ces hommes seraient victimes de génocide […]. On peut affirmer avec suffisamment de certitude que si le Dutchbat avait permis à ces hommes de rester sur place, ils seraient restés en vie », avaient-elle ajouté.

Pour rappel, le bataillon néerlandais de la FORPRONU, la mission des Nations unies déployée en Bosnie, avait la tâche de protéger l’enclave de Srebrenica. Seulement, faiblement armé, il n’avait rien pu faire contre « l’Armée de la République serbe de Bosnie » du général Ratko Mladic, qui, entre le 11 et le 13 juillet, massacra 8.000 hommes et adolescents, tous Bosniens de confession musulmane (ou Bosniaques).

Par la suite, Français et Néerlandais se renvoyèrent la balle au sujet de la responsabilité de ce drame, les premiers soulignant l’erreur tactique du Dutchbat III qui se laissa désarmer par les combattants serbes, les autres déplorant l’absence du soutien aérien qu’ils avaient pourtant demandé à la FORPRONU, alors commandée par le général français Bernard Janvier.

En tout cas, cette situation impossible avait été bien résumée par François Léotard, qui avait quitté ses fonctions de ministre de la Défense peu avant le massacre de Srebrenica. « Le général Janvier n’a fait qu’appliquer les règles de l’ONU. Faire la guerre avec des casques bleus à qui l’on demande de ne pas tirer, moi, je ne sais pas faire », avait-il déclaré en novembre 2001, lors de la publication d’un rapport parlementaire portant sur cette tragédie.

En outre, la mission de la FORPRONU « n’a jamais été claire », comme l’avait déploré l’un de ses anciens chefs, le général Jean Cot. « Cent résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ont été votées en quatre ans pour le seul théâtre yougoslave (…). Souvent, elles infléchissaient et obscurcissaient encore cette mission. Circonstance aggravante : le secrétaire général et son représentant sur le terrain se sont toujours refusé à traduire des résolutions générales en missions précises données au commandant de la FORPRONU », avait-il expliqué.

Quoi qu’il en soit, parce qu’ils estiment avoir été mis dans une position impossible à tenir, une centaine d’anciens Casques bleus néerlandais ont l’intention de porter plainte contre leur gouvernement.

« L’État a envoyé ses soldats pour une mission impossible et les a ensuite abandonnés : cela a provoqué beaucoup de dommages, aux niveaux physique, psychologique et financier mais aussi au niveau de la vie sociale », a fait valoir, rapporte l’AFP, l’avocat Michael Ruperti. « On a parlé d’eux en mal pendant deux décennies et on leur demande, encore aujourd’hui, sur les terrains de foot, dans leurs familles, au café : mais pourquoi n’avez-vous rien fait? », a-t-il ajouté.

« Leur réputation en tant qu’hommes, en tant que militaires, a souffert à cause de l’abandon de l’État néerlandais », a estimé cet avocat, qui doit discuter avec le ministère de la Défense avant de déposer la plainte en question. « Ils veulent donc que les juges condamnent l’Etat pour ces dommages et ils veulent recevoir une compensation financière mais aussi, et surtout, une reconnaissance d’un tribunal et de la société pour l’injustice qui leur a été faite », a-t-il expliqué.

Justement, la ministre néerlandaise de la Défense, Jeanine Hennis-Plasschaert, a admis, en juin, à l’occasion de la journée des Anciens combattants, que le Dutchbat avait été envoyé en Bosnie « sans préparation adéquate pour les circonstances spécifiques, sans moyens suffisants, avec peu d’informations, pour protéger une paix qui n’existait déjà plus. » Et d’ajouter que cette « mission était irréalisable, avec des conditions impossibles. »

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