Syrie : Qui sont les responsables de l’attaque d’un convoi humanitaire près d’Alep?
Dans la nuit du 19 au 20 septembre, peu après l’annonce faite par l’armée syrienne de la fin de la trêve prévue par un plan russo-américain négocié une semaine plus tôt, un convoi humanitaire, « résultat d’un long processus d’autorisation et de préparations pour venir en aide à des civils isolés », a été attaqué dans le secteur d’Orum al-Koubra, dans le nord de la Syrie.
Immédiatement, l’hypothèse d’un raid aérien contre ce convoi a été avancée. Et, comme les groupes rebelles présents dans le secteur ne disposent pas d’aviation, les regards se sont donc tournés vers les forces russes et syriennes.
Après avoir annoncé une « enquête » sur les informations concernant cette attaque, le ministère russe de la Défense a rapidement réfuté la responsabilité de son aviation, ainsi que celle des forces syriennes.
« L’aviation russe ou syrienne n’a mené aucune frappe aérienne sur un convoi humanitaire de l’Onu au sud-ouest d’Alep », a en effet affirmé le général Igor Konachenkov, le porte-parole du ministère russe de la Défense. Mieux encore : selon lui, le convoi n’aurait pas été bombardé. « Nous avons étudié attentivement les images vidéo des soit-disant ‘activistes’ présents sur place et nous n’avons pas trouvé de signes de frappes sur le convoi par des armes », a-t-il avancé. Et d’ajouter : « Il n’y a pas de cratère, la structure des véhicules n’est pas endommagée et ils n’ont pas subi le souffle d’une frappe aérienne. »
En outre, a encore insisté le général Konachenkov, les images du convoi dévasté ne montrant que « le résultat d’un incendie, qui s’est comme par hasard déclenché au moment d’une offensive d’ampleur des rebelles vers Alep. » D’où l’hypothèse avancée par Moscou que l’attaque a été commise par le Front Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra) étant donné que ce dernier venait de lancer une offensive dans la région.
Puis, pour appuyer ses propos, le ministère russe de la Défense a diffusé une vidéo du convoi obtenue par l’un de ses drones. « On voit clairement qu’un pick-up des terroristes avec un mortier à l’arrière avance le long du convoi », a commenté le général Konachenkov. « Et puis, ce qui est le plus important : où est passé le mortier alors que le convoi se trouvait non loin de sa destination finale et qui ciblait-il pendant l’arrêt et le déchargement de ce dernier? », a-t-il demandé. Cela étant, si effectivement l’on peut voir un pick-up, il est difficile de dire s’il tractait ou non un mortier.
Seulement, si Jens Laerke, le porte-parole de l’OCHA, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, a dit ne pas être en mesure d’affirmer avec certitude si le convoi a été la cible de frappes aériennes, ce scénario décrit par Moscou est loin de convaincre tout le monde.
« Toutes les informations indiquent clairement qu’il s’agit d’une frappe aérienne », a déclaré, le 21 septembre, Ben Rhodes, un conseiller du président américain, Barack Obama. « En tout état de cause, nous tenons le gouvernement russe pour responsable des frappes aériennes dans cette zone », a-t-il ajouté.
Plus tôt, un responsable américain avait confié que deux bombardier tactique Su-24 « Fencer » se trouvaient dans le secteur du convoi au moment de l’attaque du convoi. « Notre meilleure estimation (…) ce sont les Russes qui ont mené cette frappe », a-t-il accusé.
Et le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, s’était gardé d’accuser un acteur en particulier, estimant que « seuls Moscou et Damas pouvaient en être responsables » du bombardement du convoi, avant de demander à la partie russe de clouer au sol les avions syriens évoluant dans la région d’Alep.
Son homologue russe, Sergueï Lavrov, a cherché à dédouaner Damas en affirmant que les avions syriens « n’ont pas la capacité » d’effectuer des bombardements nocturnes alors que le convoi a été attaqué pendant la nuit.
C’est alors que – et ce n’est pas sans rappeler l’affaire du vol Boeing B-777 de la Malaysia Airlines abattu dans l’est de l’Ukraine en 2014 – Moscou a livré une deuxième hypothèse. Après, donc, avoir tenté de démontrer que le convoi humanitaire n’avait pas été la cible de frappes aériennes, le général Igor Konachenkov a sous-entendu qu’il avait été finalement visé par un drone MQ-1 Predator américain.
« Un drone de combat de la coalition internationale, ayant décollé de la base turque de Incirlik, volait le 19 septembre dans la soirée à une altitude de 3.600 mètres et à une vitesse de 200 km/h dans ce secteur précis », a-t-il affirmé. « Cet appareil a pénétré dans le secteur de Orum al-Koubra, où se trouvait la colonne de véhicules, quelques minutes avant qu’il s’embrase. (…) Il en est ressorti 30 minutes plus tard », a-t-il continué, en précisant qu’il s’agissait d’un MQ-1 Predator.
« Ce genre de drone peut observer la situation, mais également servir à indiquer des cibles et mener lui-même des frappes précises sur des objectifs au sol », a encore rappelé le général Konachenkov, pour qui les Occidentaux « font tout pour que le bruit médiatique fasse oublier la tragédie de Deir ez-Zor », en référence à une frappe de la coalition anti-État islamique (EI ou Daesh) ayant visé, par erreur, une unité de l’armée syrienne (au moins 82 tués).
Mais les propos du général russe ont aussitôt été démentis par Washington. « Nous pouvons confirmer qu’aucun de nos appareils – avec ou sans pilote, américain ou de la coalition – ne se trouvait dans le voisinage d’Alep quand le bombardement sur le convoi humanitaire a eu lieu », a répondu le capitaine de vaisseau Jeff Davis, un porte-parole du Pentagone.