Selon la CIA, al-Qaïda et l’État islamique coopérent au Yémen

Bien que partageant la même idéologie, al-Qaïda et l’État islamique (EI ou Daesh) sont deux organisations concurrentes, la première reprochant à la seconde d’avoir proclamé un califat sans qu’il y ait eu préalablement un consensus dans le monde musulman attesté par un conseil de « docteurs » en religion, appelé « Ahl Al-Hal Wal Aqd. »

« Les jihadistes se divisent aussi sur le plan stratégique. Certains, comme al-Qaïda (…) veulent faire triompher le jihad global en exportant leur vision de l’islam, de manière à inverser le rapport de forces global en leur faveur, ce qui seul permettra l’établissement d’un califat définitif et rédempteur. La lutte passe ici avant l’établissement du modèle. D’autres, comme Daesh aujourd’hui, suivent une logique (…) visant l’établissement du califat ici et maintenant, sur un territoire donné à partir duquel le jihad global pourra s’exporter », explique ainsi explique Stéphane Lacroix, chercheur et professeur associé au CERI.

Aussi, les relations entre les deux organisations jihadistes sont tendues, en particulier en Syrie et en Afghanistan, où l’EI est vu d’un mauvais oeil par le mouvement taleb afghan, proche d’al-Qaïda. Mais tout n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît.

En effet, comme l’a affirmé John Brennan, le directeur de la CIA, dans un entretien donné à la revue « Sentinel« , publiée par le Combating Terrorism Center de l’académie militaire de West Point, « plus on s’éloigne du berceau irakien et syrien, plus une collaboration est probable entre des éléments d’al-Qaïda, des éléments de l’EI et d’autres » groupes jihadistes. Du moins, cela est vrai pour le cas particulier du Yémen.

En avril, lors d’une offensive conjointement menée par les forces gouvernementales et émiraties, les jihadiste d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) ont été chassés de la ville portuaire (et stratégique) de Moukalla avant de trouver refuge dans des zones où la branche yéménite de l’EI a une certaine influence.

Selon M. Brennan, les deux organisations ont en effet une « communauté d’intérêts » face aux rebelles houthis, soutenus par l’Iran, et aux forces gouvernementales yéménites, appuyés par une coalition dirigée par l’Arabie Saoudite. « Nous voyons une coopération au niveau tactique pour repousser leurs ennemis communs », a-t-il confié, en relevant, toutefois, que cette collaboration ne s’étend pas, pour le moment, à la préparation d’attaques à l’étranger.

Pour rappel, AQPA a souvent cherché à commettre des attentats aux États-Unis et en Europe au cours de ces dernières années, sous l’impulsion de l’imam Anwar al-Awlaqi, tué par une frappe américaine en septembre 2011. C’est ainsi que l’on retrouve le nom de ce dernier dans la tuerie de San Benardino (Californie), dont les auteurs avaient d’abord été « radicalisés » par lui avant de se tourner vers l’EI.

En outre, les frères Kouachi, auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo, revendiquée par AQPA, entretenaient des liens avec Amedy Coulibaly, assassin d’une policière et preneur d’otages de l’Hyper Cacher (4 tués) au nom de l’EI.

Par ailleurs, le directeur de la CIA n’est pas très optimiste sur l’avenir de l’Irak et de la Syrie, du moins sur la possibilité que ces deux pays puissent être unifiés autour d’un gouvernement central.

« Je ne sais pas si l’Irak ou la Syrie peuvent être reformés. Il y a eu tellement de sang versé, tellement de destructions, de divisions confessionnelles, un tel bouillonnement de tensions », a-t-il confié. « Je ne sais pas si je verrai, de mon vivant, la création d’un gouvernement central dans ces deux pays, qui a la capacité de gouverner équitablement », a-t-il ajouté.

En outre, M. Brennan estime que, même si le territoire contrôlé par l’EI en Irak et en Syrie se rétrécit, l’organisation jihadiste ne perdra pas pour autant son influence.

« Je pense que l’EI restera une présence en Irak et en Syrie pendant un certain temps », a-t-il dit, le 9 septembre, lors d’une réunion sur la sécurité à Washington. Et cela d’autant plus que le chef d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a récemment appelé « les sunnnites » à se réorganiser « en vue d’une longue guérilla destinée à venir à bout de la nouvelle occupation de leurs régions par les Croisés et les Safavid [terme péjoratif pour désigner les chiites, ndlr] » dans le cas d’une défaite de Daesh.

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