Selon l’ancien chef de la force Barkhane, la menace « Boko Haram » est « endiguée

tchad-20150116

Le 20 août, le président Hollande a évoqué avec son homologue tchadien, Idriss Déby Itno, la lutte contre le groupe jihadiste nigérian Boko Haram ainsi que les opérations actuellement menées par la Force multinationale mixte (FMM), dont les effectifs sont fournis par les pays de la la Commission du Bassin du lac Tchad (Tchad, Nigéria, Cameroun, Niger) et le Bénin.

À cette occasion, le locataire de l’Élysée a « confirmé le soutien de la France à cette force africaine, qu’il s’agisse d’appui logistique, de la fourniture de renseignements, de don de matériel ou de formation » et convenu avec le président tchadien de « de poursuivre les efforts engagés. »

La France n’est pas directement impliquée dans la lutte contre Boko Haram. Cela étant, elle fournit quelques moyens et capacités aux pays concernés par les actions de ce groupe jihadiste, lié à l’État islamique depuis 2015.

En effet, une cellule de coordination et de liaison (CCL) a été adossée à l’état-major de la force Barkhane, deux détachements français de liaison et de contact ont été déployés au Niger et au Cameroun et des vols de reconnaissance ont été effectués. En outre, il est question de fournir une « capacité d’appui aérien » aux forces nigériennes « contre Boko Haram », comme l’a indiqué, début juillet, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense.

Aussi, en tant qu’ancien chef de la force Barkhane (il a passé le relai au général Xavier de Woillemont, cet été), le général Patrick Brethous connaît bien la situation dans la région du lac Tchad. Et, lors du point presse hebdomadaire du ministère de la Défense, il a fait le point sur la menace que représente le groupe jihadiste nigérian.

Ainsi, selon lui, la « menace Boko Haram est endiguée dans le Borno [nord-est du Nigéria, ndlr]. Le groupe ne disposerait plus que de deux « réduits », près du lac Tchad et dans la forêt de Sambisa, et n’aurait plus la capacité de menter « une attaque lointaine à N’Djamena (Tchad) ou Zinder (sud du Niger) ».

Toutefois, a admis le général Brethous, les jihadistes nigérians « sont en revanche toujours capables de faire des raids, de franchir la frontière nigérienne et d’aller taper à Diffa (Niger) comme en juin ». Plus précisément, Boko Haram avait attaqué la localité nigérienne de Bosso.

S’agissant de la Force multinationale mixte, qui ne dispose pas totalement des moyens dont elle aurait besoin, le général Brethous a dit espérer qu’elle « pourra relancer son action et éradiquer Boko Haram » à la « prochaine saison sèche », c’est à dire en janvier/février, après avoir donné le coup d’envoi de ses opérations en juin de cette année.

Cela étant, il faut rester prudent. En juillet, le secrétaire général adjoint aux affaires politiques de l’ONU, le diplomate américain Jeffrey Feltman, avait estimé que, même « chassé de plusieurs zones qu’il occupait, Boko Haram restait une menace pour la stabilité de la région. »

Quant aux relations que Boko Haram entretiendrait avec d’autres organisations jihadistes actives en Afrique (trafic d’armes, combattants, etc), le général Brethous a dit ne pas en avoir constaté. « Je n’ai pas détecté de liens qui se soient développés entre l’EI en Libye, Boko Haram et Aqmi [al-Qaïda au Maghreb islamique, ndlr] dans la zone sahélienne », a-t-il affirmé.

Sur ce point, tout le monde n’est pas du même avis. En mai, le Conseil de sécurité de l’ONU s’était justement « alarmé » des liens « entre Boko Haram et l’État islamique », sans explicitement parler, il est vrai, de la branche libyenne de l’organisation jihadiste. Toutefois, le secrétaire d’État adjoint américain, Anthony Blinken, avait affirmé, peu avant, que le groupe nigérian avait envoyé des combattants en Libye. Le général nigérian Lamidi Adeosun, le commandant de la FMM, avait avancé la même chose.

En outre, en avril, le général Donald Bolduc, le chef des opérations spéciales américaines en Afrique, avait déclaré que « Boko Haram et l’État islamique partageaient les mêmes tactiques et les mêmes procédures ». Plus tôt, les forces tchadiennes avaient intercepté un convoi d’armes en provenance de Libye, apparemment destiné au groupe nigérian. « On peut en tirer des conclusions », avait commenté l’officier.

« Pour vaincre les insurgés nigérians, il faudrait donc affaiblir les jihadistes de l’organisation Etat islamique en Libye, mais la voie épousée par les Nations unies n’est pas la bonne », avait alors estimé le président tchadien, en faisant référence au soutien de l’ONU au gouvernement d’union national libyen conduit par Fayez el-Sarraj. « Imposer de l’extérieur un gouvernement d’union en Libye c’est courir à l’échec », avait confié M. Déby.

En attendant, si la menace de Boko Haram est « endiguée », c’est sans doute aussi (et surtout) grâce la division du groupe jihadiste. Division qui a conduit récemment à de violents affrontements entre deux factions rivales. L’une est commandée par Abou Mosab al-Baranoui, officiellement nommé, cet été, à la tête du groupe par l’EI tandis que l’autre est restée fidèle à Abubakar Shekau, qui a donc été mis sur la touche.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]