Les effets des frappes aériennes contre l’EI ont été volontairement surestimés

Il y a près d’un an, l’on apprenait que l’Inspecteur général du Pentagone venait d’ouvrir une enquête pour vérifier les affirmations d’un analyste civil de la Defense Intelligence Agency (DIA), à qui il avait été demandé, entre 2014 et 2015, de manipuler les renseignements sur l’État islamique (EI ou Daesh) afin d’édulcorer la situation et de surestimer les effets de la campagne aérienne de la coalition internationale sur les capacités militaires de l’organisation jihadiste.

Si l’enquête interne du Pentagone est toujours en cours, celle du Congrès, qui s’était aussi saisi de cette affaire, vient de faire l’objet d’un rapport, diffusé le 11 août. Et ce dernier reprend à son compte les accusations portées par l’analyste de la DIA contre sa hiérarchie.

Ainsi, ce rapport établit que, à partir de la mi-2014 [depuis la prise de Mossoul par Daesh], les renseignements transmis par l’US CENTCOM [commandement militaire pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient] contredisaient les évaluations initialement faites par ses analystes.

« Les faits sur le terrain ne correspondaient pas aux renseignements » donnés par l’US Centcom, a affirmé le représentant républicain du Kansas Mike Pompeo, qui a pris part à l’enquête. Aussi, a-t-il expliqué, « ceux qui se servaient de ces renseignements ont eu constamment une vision un peu trop rose des succès opérationnels américains contre l’EI ». Et, quand on dispose de mauvaises informations, on ne prend pas les bonnes décisions… Aussi, cette falsification du renseignement est une affaire très grave.

Le rapport indique que 40% des analystes ont subi des pressions « pour déformer ou supprimer des renseignements durant l’année passé ». Et nombreux sont ceux qui ont dénoncé un « encadrement toxique ».

Qui plus est, l’enquête du Congrès a mis en évidence que les communiqués de presse du Centcom publiés lors de cette période décrivaient une situation « significativement plus positive » que la réalité.

Depuis, les choses ont changé : de nouveaux responsables ont été affectés au Centcom, dont le général Joseph Votel, qui a en pris le commandement.

Cela étant, la question est de savoir pourquoi ces renseignements ont été manipulés… Et là, le rapport en ignore les raisons. « Les responsables du Centcom doivent rendre des comptes s’ils ont fait pression sur des analystes pour qu’ils déforment les informations sur la lutte contre l’EI », a estimé Kelly Ayotte, du comité sénatorial de la Défense et des Forces armées.

En raison de son enquête interne en cours, le Pentagone n’a pas explicitement réagi aux conclusions de l’enquête du Congrès. « La communauté du renseignement donne régulièrement un vaste éventail d’évaluations basées sur des données liées à la situation sécuritaire », a toutefois dit un porte-parole. « Ces évaluations et les experts qui les effectuent sont vitaux pour nos efforts, particulièrement quand on prend en compte la nature incroyablement complexe de batailles menées sur plusieurs fronts en ce moment en Irak et en Syrie », a-t-il expliqué.

Et d’ajouter : « Les experts sont parfois en désaccord sur l’interprétation de données complexes, et la communauté du renseignement et le département de la Défense sont très ouverts à un dialogue constructif sur ces sujets vitaux de sécurité nationale. »

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