Émilienne Moreau, l’héroïne de Loos

moreau-20160808-2Le thème de l’engagement est à la mode de nos jours. Mais que signifie s’engager? L’on peut trouver une réponse dans le discours d’investiture du président américain John Fitzgerald Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. »

Il y a 100 ans, une jeune nordiste, Émilienne Moreau, était reçue à l’ambassade du Royaume-Uni à Paris pour recevoir la médaille militaire britannique pour sa bravoure sur le champ de bataille, et une médaille en argent de l’Ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Jérusalem…

Un an plus tôt, en septembre 1915, Émilienne Moreau alors âgée de 17 ans, n’hésita pas à prêter son concours à un régiment écossais qui menait une offensive dans le secteur de Loos contre des troupes allemandes. Lord Francis Bertie, l’ambassadeur britannique, raconte :

« Au matin du 25 septembre de l’année passée, nos troupes étaient à Loos sous le feu de l’ennemi. Vous auriez pu vous réfugier dans un abri souterrain qui vous aurait offert quelque sécurité. Vous avez préféré la part d’une héroïne. Au milieu d’un violent bombardement et d’une fusillade intense de l’ennemi, vous n’avez, pendant vingt-quatre heures, cessé d’aider au transport de nos blessés à votre maison transformée en poste de secours et de leur prodiguer vos soins dévoués. »

Mais Émilienne, qui venait de perdre son père, un ancien mineur, a fait plus que cela encore. Si elle a effectivement fait de sa maison un poste de secours avec l’aide d’un médecin militaire écossais, elle a aussi donné de précieuses indications qui ont permis aux soldats britanniques de réduire un nid de résistance allemand.

Mieux encore : pour sauver un soldat britannique pris sous le feu, elle a lancé des grenades pour mettre hors de combat deux tireurs embusqués allemands, cachés dans une maison voisine de la sienne. Et elle récidivera un peu plus tard, en tirant sur deux fantassins ennemis avec un révolver dont elle venait de se saisir.

Outre les décorations britanniques, décernées avec parcimonie à l’époque, Émilienne Moreau recevra aussi la Croix de Guerre avec palme… Fait inédit pour un civil, a fortiori pour une adolescente!

Après la guerre, Émilienne Moreau reprendra le cours normal de sa vie et déviendra institutrice. En 1932, elle finit par se marier avec Just Évrard, alors secrétaire général adjoint de la fédération socialiste du Pas-de-Calais. Et elle s’engage en politique, dans la même formation que son mari.

Quand survient la débâcle de 1940, Émilienne Moreau-Évrard est maman de deux enfants. Connue des Allemands, elle est alors placée en résidence surveillée chez sa mère, à Lillers (Pas-de-Calais) tandis que son mari est resté à Lens. Après avoir finalement été autorisée à rejoindre sa famille, elle entre immédiatement dans la Résistance, d’abord en distribuant des tracts puis en prenant contact avec l’Intelligence Service, à qui elle adresse de précieux renseignements.

Après avoir été arrêté et détenu pendant quelques mois, son mari passe en zone Sud en avril 1942. Émilienne le rejoint à Thonon avant de s’installer à Lyon. Là, elle devient agent de liaison du réseau Brutus fondé un an plus tôt par Pierre Fourcaud, avec l’appui de militants socialistes des Bouches-du-Rhône. Elle prend plusieurs pseudonymes (« Émilienne la Blonde », « Jeanne Poirier ») et assure plusieurs missions à Paris. Puis elle finit par rejoindre le mouvement « France au Combat ».

moreau-20160808Au printemps 1944, l’étau se resserre autours d’Émilienne Moreau-Évrard. Fin mars, elle échappe de peu à un coup de filet de la Gestapo… Mais 17 de ses camarades n’auront pas eu cette chance. Puis, à Lyon, deux mois plus tard, alors que le mouvement « la France au Combat » est décimé par une série de rafles, elle manque de se faire arrêter. Elle parviendra à s’enfuir, malgré les rafales des mitraillettes allemandes.

Traquée en France métropolitaine, Émilienne est finalement exfiltrée par avion vers Londres en août 1944, après plusieurs tentatives infructueuses. Elle est ensuite désignée pour siéger à l’Assemblée consultative provisoire d’Alger. Son exil ne durera pas longtemps car elle retrouvera sa famille en septembre de la même année et reprendra sa vie militante. Puis, 29 ans après avoir été reçue à l’ambassade de Grande-Bretagne, elle est décorée de la Croix de la Libération par le général de Gaulle à Béthune.

Après la guerre Émilienne Moreau-Évrard continuera ses activités politiques et deviendra la présidente de la fédération du Pas-de-Calais des anciens combattants républicains. Elle s’éteindra le 5 janvier 1971, à l’issue d’une existence marquée par un courage qui force le respect et un sens remarquable  de l’engagement au service de son pays.

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