Le général Langlais, un grand baroudeur oublié
Marqué par ce qu’il avait vécu en Indochine et sa captivité dans les camps Viet-Minh, le général Pierre Langlais mettait fin à ses jours il y a exactement 30 ans. Moins médiatique que le général Bigeard, qui fut sous ses ordres, le « Gars Pierre » aura été une figure emblématique de la bataille de Dien Bien Phu.
Né le 2 décembre 1909 à Pontivy, Pierre Langlais est admis à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr alors qu’il n’a pas encore 19 ans. Au sein de la promotion Foch, sa route croise celle du futur général Jacques Massu. À l’issue de sa scolarité, il choisit de servir dans les troupes de marine. En 1930, jeune lieutenant, il est donc affecté 2e Régiment d’infanterie coloniale avant de rejoindre l’Afrique Occidentale Française (AOF) pour servir dans une unité de méharistes. Jusqu’en 1937, il commande le groupe nomade de Timetin au Mali.
Capitaine durant la campagne de France de mai-juin 1940, Pierre Langlais rejoint les Français Libres en novembre 1942 puis la 1ere Armée du général de Lattre de Tassigny. C’est ainsi qu’il prendra part, avec un mépris total du danger tout en étant proche de ses soldats placés sous ses ordres, aux combats de Tunisie, d’Italie, des Vosges et d’Allemagne. La guerre terminée, il est officier de la Légion d’Honneur et titulaire de 5 citations.
Après les sables africains et les neiges vosgiennes, le commandant Pierre Langlais se porte volontaire pour l’Indochine. Affecté au Bataillon de marche de la 9e Division d’Infanterie Coloniale, il y reste 3 ans avant de servir au Maroc au sein du 5e Régiment de Tirailleurs Sénégalais. Mais cette parenthèse est de courte durée car, un an plus tard, il est nommé commandant de la zone nord du Laos. Là, il se distingue à nouveau par ses qualités de chef et de combattant.
En 1951, de retour en France, le lieutenant-colonel Langlais prend le commandement de la 1ère Demi Brigade Coloniale de Commandos Parachutistes. La quarantaine passée, il passe son brevet parachutiste… Puis, il se porte à nouveau volontaire pour l’Indochine, qu’il retrouve en 1953. Il est alors nommé à la tête du GAP 2, l’un des deux groupements aéroportés placés sous les ordres du général Gilles.
Le GAP 2 comprend alors le 1er Bataillon Étranger de Parachutistes (BEP), le 5e Bataillon de Parachutistes Vietnamiens (BPVN) et le 8e Bataillon de Parachutistes de Choc (BPC). Le 6e BPC du commandant Bigeard fait partie du GAP 1.
L’opération Castor est lancée le 20 novembre 1953, avec l’objectif de s’emparer de la plaine de Dien Bien Phu. Ce qui sera rapidement fait. Mais lors du largage du 1er BEP, le lieutenant-colonel Langlais se casse la cheville. Ce qui lui vaut d’être évacué vers Hanoï.
Pour autant, l’officier n’en a pas fini avec Dien Bien Phu… puisqu’il y reviendra avec sa cheville plâtrée, aux côtés du futur général de Castries, le commandant de la garnison. Par la force des choses, Pierre Langlais va devenir ainsi l’un des principaux acteurs de la bataille.
« Se portant en permanence sur les points d’appui les plus exposés, il galvanise la résistance par son moral et sa foi inébranlables. C’est de son énergie que la garnison puise son héroïsme », peut-on lire dans l’ordre du jour n°8 diffusé par le chef d’état-major de l’armée de Terre le 21 juillet 1986.
Promu colonel durant les combats, Pierre Langlais croit fermement en la victoire. Demandant des renforts à Hanoï qui ne viendront pas, il s’emporte : « Malgré vous, nous gagnerons cette Bataille! ».
Le journaliste Erwan Bergot raconte : « Langlais s’est enfermé dans un silence de menhir. Le béret ramené rageusement sur le front, l’oeil glacé, la mâchoire crispée accentuant le creux des joues imprimé par la fatigue et l’insomnie, Langlais ne veut rien entendre, rien expliquer. Simple lieutenant-colonel, Langlais a tout pris à son compte. Il fallait, au milieu de cette débacle, que quelqu’un restât debout. Même s’il doit se brouiller avec la terre entière, Langlais tiendra, quitte à en crever! ».
On connaît la suite. À 17h30, le 7 mai, Dien Bien Phu tombe. Le colonel Langlais fait partie des 11.721 soldats français prisonniers et des 3.290, seulement, qui reviendront des camps de « rééducation » du Viet-Minh dans un état sanitaire catastrophique.
À peine libéré, le colonel Langlais est envoyé en Algérie pour commander le secteur de Philippeville, puis le 22e Régiment d’Infanterie coloniale, alors engagé dans la région de Marnia. Il y obtient des résultats alors qualifiés de « remarquables »et obtient deux nouvelles citations.
En 1959, le colonel Langlais quitte l’Algérie pour devenir le chef de corps du 7e Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine, alors installé à Dakar, au Sénégal. Par la suite, il est nommé adjoint du commandant de la 11e Division Légère d’Intervention avant de prendre le commandement de la Brigade aéroportée de Pau. Il est alors promu général.
En 1968, le général Langlais quitte l’uniforme, après avoir été l’adjoint du vice-amiral commandant les Forces françaises de Dakar et le commandant des Forces terrestres.
« Grand officier de la Légion d’Honneur, titulaire de 12 citations, dont 10 à l’ordre de l’Armée, le général Langlais laisse le souvenir d’un chef prestigieux, dont les exploits de baroudeur ont marqué des générations de jeunes officiers », résumera le général Maurice Schmitt, dans son ordre du jour rendant hommage à ce grand soldat.