Des militaires turcs échouent à s’emparer du pouvoir

turquie-20140917

Peu avant 23 heures, le 15 juillet, via un communiqué envoyé aux principaux médias du pays, l’armée turque a annoncé avoir pris le pouvoir afin de « protéger l’ordre démocratique » et « les droits de l’homme. Et d’assurer que les relations internationales seraient maintenues et que l’était de droit resterait une « priorité ».

Peu avant, le Premier ministre turc, Binali Yildirim, avait affirmé que des militaires tentaient de prendre le pouvoir mais que l’on ne pouvait pas encore parler de coup d’État.

Puis, à Ankara, des coups de feu ont été entendus tandis que des hélicoptères et des avions survolaient la capitale turque. Même chose à Istanbul, la deuxième ville du pays. Dans le même temps, les deux ponts sur le Bosphore ont été fermés et des chars ont pris position à l’entrée de l’aéroport d’Istanbul-Atatürk.

Peu après, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, lors d’un entretien téléphonique diffusé par CNN Türk a dénoncé le « soulèvement d’une minorité au sein de l’armée » et appelé ses partisans à s’y opposer.

Les réactions internationales ont été immédiates. Ainsi, les États-Unis ont assuré de leur soutien « absolu » les « institutions démocratiques et au gouvernement civil démocratiquement élu de Turquie ». À Moscou, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a appelé à éviter tout « affrontement meurtrier » et estimé que « les problèmes de la Turquie devaient être résolus dans le respect de la Constitution ».

De son côté, l’Union européenne a appelé à un « retour rapide à l’ordre constitutionnel » en Turquie. « Nous continuons à suivre de près les développements et à nous coordonner avec les 28 Etats membres de l’UE, face à la tentative de coup d’Etat qui secoue la Turquie, partenaire clé de l’UE », ont fait valoir, dans un communiqué commun, Federica Mogherini, la reponsable de la diplomatie européenne, Jean-Claude Junker, le président de la Commission de Bruxelles et Donald Tusk, le président du Conseil.

« J’appelle au calme et à la retenue, et au respect total des institutions démocratiques de la Turquie et de sa constitution » a également déclaré Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan.

« Les interférences des militaires dans les affaires de n’importe quel Etat sont inacceptables », a commenté Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies.

Sur le terrain, des affrontements entre putschistes et loyalistes ont été rapportés. Ainsi, la chaîne de télévision publique NTV a rapporté qu’un avion F-16 avait abattu un hélicoptère utilisé par les militaires mutins. Le Parlement turc aurait aussi été bombardé, de même que le palais présidentiel.

Peu avant l’aube, le chef du gouvernement turc a assuré que la situation était « largement sous contrôle ». Ce qui sera confirmé quelques heures plus tard par le général Ümit Dündar, chef de l’armée turque par intérim. Ce dernier donnera le bilan de 104 putschistes abattus et de 90 personnes (41 policiers, deux soldats et 47 civils) « tombées en martyres ».

« Le coup a été avorté grâce à une solidarité totale entre notre commandant-en-chef et président, notre Premier ministre et les forces armées turques », a indiqué l’officier, qui a, a priori, remplacé temporairement le général Hulusi Akar, le chef d’état-major des armées, retenu par les rebelles et libéré lors d’une opération menée contre une base aérienne de la banlieue d’Ankara. En outre, 1.563 militaires séditieux ont été arrêtés. En outre, 5 généraux et 29 colonels ont été immédiatement démis de leurs fonctions.

Ces évènements ont eu lieu alors que la Turquie se trouve dans une situation tendue, avec la reprise, en 2015, des combats contre les Kurdes du PKK et les attentats commis régulièrement par l’État islamique (EI), qui aurait bénéficié, a-t-il été dit, de l’appui du gouvernement turc, lequel veut, à tout prix, la chute de Bachar el-Assad en Syrie.

Depuis 2002, les relations entre l’armée et le gouvernement turc ont toujours été difficiles dans la mesure où, traditionnellement, les militaires, du moins en grande partie, restent kémalistes et attachés à la laïcité, ce qui va à l’encontre de la politique menée par Ankara depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP, le parti islamo-conservateur dont est issu M. Erdogan.

Cette opposition s’est traduite, au cours de ces dernières années, par des « purges » au sein de l’armée, motivées par des affaires assez curieuses (Ergenekon, plan Balyoz), l’objectif de l’AKP ayant été de marquer son emprise sur les militaires.

Toutefois, depuis quelques mois, les relations entre le pouvoir civil et l’état-major ont connu une amélioration. Sans doute insuffisante, au vu de cette tentative de coup d’État, qui montre une armée turque profondément divisée… et fragilisée. En outre, elle devrait renforcer davantage le courant islamo-conservateur dans le pays et donc sa mainmise sur l’armée.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]