Un rapport parlementaire plaide pour une intervention terrestre française contre l’État islamique

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La semaine passée, à l’occasion d’un communiqué annonçant l’adoption d’un rapport résumant ses travaux, la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme a fait état de 40 propositions visant à améliorer l’efficacité de la politique menée en la matière.

La commission a ainsi recommandé d’engager une « initiative forte auprès du gouvernement irakien et de la coalition internationale » anti-État islamique (EI ou Daesh) pour « intervenir militairement plus massivement, y compris au sol, avec avec un objectif militaire et une stratégie de sortie définis préalablement en commun, en Irak afin de reprendre les derniers territoires occupés » par les jihadistes.

Pour comprendre ce qu’entendait cette commission, encore fallait-il lire son rapport [.pdf], rédigé par le député Sébastien Pietrasanta. Tout d’abord, le document donne un bilan précis de l’opération Chammal (nom de la participation française à la coalition internationale). Ainsi, l’on apprend que, du 19 septembre 2014 au 24 mai 2016, l’aviation française (armée de l’Air et aéronautique navale) a effectué 3.800 sorties aériennes, dont 1.547 pour fournir un appui au sol, 116 pour des mener des raids planifiés, 506 pour collecter du renseignement et 305 pour des missions de ravitaillement et de commandement et de contrôle (C2).

Au total, les avions français ont effectué 690 frappes, dont 24 en Syrie. « L’ensemble de ces frappes a permis la destruction de 160 positions de tir, de 390 bâtiments, de 270 matériels majeurs et de 90 véhicules. Le bilan humain est estimé à environ 1 100 combattants de Daesh abattus », précise le rapport.

Depuis les attentats du 13 novembre, une « inflexion assez nette » a été observée, avec une moyenne mensuelle des munitions tirées passant de 50 à 120 (avec un pic à 160 quand le porte-avions Charles de Gaulle était sur zone). Et 352 des 690 frappes ont été effectuées depuis les attaques de Paris.

La France a assuré 5% des frappes de la coalition depuis le début de la campagne tandis que celles effectuées par les États-Unis représentent 90% du total. Pour autant, même si cette campagne aérienne a stoppé l’expansion de l’État islamique, le rapport estime qu’il faut aller encore plus loin.

« Il est important de garder présent à l’esprit que nous ne faisons pas face à 25.000 ou 30.000 combattants composant des unités constituées, comme ce pourrait être le cas dans un combat conventionnel. Dans une telle hypothèse, la guerre serait terminée de longue date », a ainsi expliqué, à la commission d’enquête, Philippe Errera, le directeur général des relations internationales et de la stratégie au ministère de la Défense. « Nous sommes confrontés à des adversaires qui allient les capacités militaires conventionnelles de certains États et les atouts d’un groupe terroriste, c’est-à-dire l’aptitude à se fondre dans la population et à opérer en zone urbaine », a-t-il encore précisé.

La campagne aérienne n’étant évidemment pas suffisante, vaincre Daesh passe par une intervention terrestre. Or, il n’en est pas question pour la coalition, qui préfére former les forces locales pour cela. Seulement, elles ne sont pas suffisantes.

« Les forces de sécurité irakiennes (FSI) manquent de cohésion et sont en phase de reconstruction » et bien qu’elles « rassemblent en théorie 500 000 hommes, un nombre très inférieur serait en réalité disponible », note le rapport. Quant à l’Iraqi Counter Terrorism Service (ICTS), « il constitue, avec 7 500 hommes, la seule composante capable de s’opposer efficacement aux djihadistes ». Enfin, si les milices chiites irakiennes comptent 125.000 combattants, leurs capacités militaires sont « très inégales. » Et c’est sans parler des accusations d’exactions contre la population sunnite.

Au final, la coalition peut s’appuyer sur les combattants kurdes, qu’ils soient irakiens (Peshmergas, 230 000 hommes, dont 100 000 réservistes) ou syriens (alliés à des groupes arabes au sein des Forces démocratiques syriennes). D’où l’interrogation de la commission d’enquête sur « l’opportunité d’envoyer des troupes occidentales au sol pour accélérer la déliquescence de Daesh avant qu’il ne frappe à nouveau notre territoire national. »

Pour le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, pour qui ce serait tomber dans un piège, ou encore les différents experts auditionnés par la commission, il n’en est absolument pas question. Pour Pierre Razoux, auteur d’un remarqué livre (Le piège Daech), une telle éventualité permettre à l’État islamique de « dénoncer le retour des croisades et la volonté des Occidentaux, non pas de libérer, mais de conquérir les deux sièges du califat historique, Bagdad et Damas. »

Pourtant, s’il admet qu’une intervention terrestre occidentale en Syrie n’est pas possible, le député Pietrasanta pense qu’une telle option est envisageable en Irak, qui « dispose d’un gouvernement, quoique contesté en interne, légitime, qui a demandé officiellement une aide militaire à la France en 2014, et avec lequel nous coopérons depuis cette date. »

Aussi, il estime que « la France pourrait s’engager plus avant en Irak, pour aider les forces de sécurité irakiennes qui se préparent, avec notre concours, à attaquer Mossoul », à la condition d’avoir l’accord du gouvernement irakien et celui de la coalition.

Pour le rapporteur, « il n’est plus temps de s’en remettre aux seules forces locales » étant donné que la « la France constitue la principale cible de Daesh, et que le nord de l’Irak en constitue l’un des principaux sanctuaires. »

« Une intervention plus massive de nos militaires, y compris au sol, pour un objectif bien ciblé, la libération des derniers territoires occupés par Daesh en Irak, mérite donc d’être étudiée avec attention. Nos forces armées sont déjà sur place, travaillent au quotidien avec les Irakiens et les Kurdes, il ne s’agirait donc pas d’un saut dans l’inconnu », a encore fait valoir M. Pietrasanta.

En outre, le député plaide également pour une iniative française menée avec le concours de la Turquie, en faveur de la reprise du secteur de Manbij, qui, situé au nord de la Syrie, « constitue une voie d’accès privilégiée depuis la Turquie » et « concentre un grand nombre de combattants francophones. »

Et d’expliquer : « Il s’agirait alors, par une intervention terrestre, d’arrêter le flux de combattants qui transitent par cette zone pour venir nous frapper ensuite sur notre territoire. »

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