Otan : La France envisage d’envoyer une compagnie dans les pays baltes

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Lors du sommet de l’Otan, à Newport, en septembre 2014, plusieurs mesures de « réassurance » ont été prises au bénéfice des pays baltes et de la Pologne, qui s’estiment menacés par la Russie, en raison des actions de cette dernière dans l’est de l’Ukraine. C’est ainsi qu’un Plan d’action pour la réactivité (Readiness Action Plan – RAP) a été adopté, que la Force de réaction rapide (Nato Response Force – NRF) a été renforcée et que le principe d’une Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (Very High Readiness Joint Task Force – VJTF) a été arrêté.

Deux ans plus tard, à l’occasion du sommet de Varsovie, l’Otan a validé l’idée d’une présence avancée renforcée (Enhanced Forward Presence – eFP) dans les pays baltes et la Pologne. Il s’agit de déployer une force multinationale « tournante » composée de 4 bataillons « robustes » de 600 à 1.000 hommes chacun L’objectif de ce déploiement est de dissuader la Russie de toute action déstabilisatrice qui serait en deçà du seuil de déclenchement de la clause de défense collective (article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord).

Ainsi, le 8 juillet, le Premier ministre britannique, David Cameron, a annoncé que la British Army déploiera 500 soldats en Estonie et 150 autres en Pologne au titre de cette eFP. Après le Brexit, il s’agit pour Londres de s’affirmer « comme l’un des principaux moteurs » au sein de l’Alliance Atlantique. « Nous allons non seulement confirmer notre ferme soutien à l’Otan, nous allons le prouver en déployant des troupes au sol », a assuré un responsable gouvernemental. En outre, le Royaume-Uni assurera, en 2017, le commandement de la VJTF, qui devra être en mesure, le cas échéant, de déployer 5.000 hommes à très court préavis.

Outre la brigade blindée qu’ils entendent déployer par rotation dans plusieurs pays d’Europe de l’Est à partir de 2017, les États-Unis, par la voix du président Obama, ont annoncé l’envoi de 1.000 soldats en Pologne, toujours dans le cadre de l’eFP. Enfin, le Canada et l’Allemagne enverront chacun un bataillon respectivement en Lettonie et en Lituanie.

Et la France? Peu avant de quitter ses fonctions de directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie du ministère de la Défense (DGRIS), l’amiral Charles-Henri Leulier de La Faverie du Ché a expliqué la position française sur ce sujet aux députés de la commission de la Défense.

En premier lieu, Paris soutient ce déploiement de « forces limitées dans des pays particulièrement exposés, notamment les États baltes et la Pologne ».

« Nous avons contribué activement aux réflexions sur ce qu’est réellement le concept A2/AD (anti access/anti denial). En substance, il existe des dénis d’accès et des dénis de zone. Le déni d’accès revient à interdire l’accès à l’un des membres de l’Otan par une autre puissance. Le déni de zone relève du niveau tactique et revient à se faire interdire l’accès à une zone », a rappelé l’amiral du Ché. Aussi, comme « tous les moyens de défense aérienne modernes (…) peuvent aujourd’hui interdire un accès », les pays baltes, à cet égard, « Baltes présentent une position particulière et il est dès lors légitime d’y positionner un bataillon pour affirmer notre présence, marquer le territoire », a-t-il expliqué.

Toutefois, a fait valoir l’amiral du Ché, il « s’agit d’un sujet d’attention car nous devons nous assurer que cette présence reste à niveau raisonnable. » Un autre élément important est que cette force multinationale sera tournante, et non statique, car, sinon, un tel déploiement « constituerait presque une provocation vis-à-vis de la Russie », a-t-il dit. « C’est tout un équilibre subtil qu’il s’agit de mettre en place : de la fermeté, mais pas de provocation inutile », a-t-il résumé.

Cela étant, la France fait plus que soutenir cette initiative étant donné qu’elle envisage même, d’après l’amiral du Ché, d’y participer en mettant à disposition « l’équivalent d’une compagnie » dont le type reste à définir. « Nous travaillerons avec les Britanniques ou les Allemands, sans doute successivement avec les uns puis les autres », a-t-il précisé. C’est à dire que cette unité de l’armée de Terre pourrait être déployée soit en Lituanie, soit en Estonie.

Par ailleurs, l’amiral du Ché a insisté sur le fait que la France a « beaucoup travaillé » avec les États-Unis pour faire de l’Otan une organisation « à 360° », c’est à dire pas uniquement tournée vers l’Est. « Cela a conduit à redéployer sur le flanc sud – est de l’Europe mais également Méditerranée – un certain nombre de moyens qui étaient un peu artificiellement poussés à l’Est », a-t-il souligné.

« Or ce ‘flanc sud’ est un espace dans lequel l’Union européenne a vocation à intervenir en première ligne, notamment pour les affaires maritimes, et si l’Otan n’a pas à la remplacer, elle n’en a pas moins une place complémentaire à celle de l’Union. C’est une situation parfois difficile à expliquer, mais nous avançons en ce sens. D’où, par exemple, la coopération que nous essayons de mettre en œuvre entre l’opération européenne EUNAVFORMED Sophia et l’opération de l’Otan Active Endeavour », a expliqué le désormais ex-numéro 2 de la DGRIS.

Pour rappel, la France contribue aussi à la sécurité des pays baltes dans le cadre de la mission Baltic Air Policing. En septembre, 4 Mirage 2000-5 du groupe de chasse 1/2 Cigognes rejoindront la Baltique pour y assurer la police du ciel. En outre, la Marine nationale est également sollicitée étant donné qu’elle mettra ne frégate et un chasseur de mines à la disposition du volet naval de la VJTF.

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