Décès de Charles Gonard, alias « Morlot », Compagnon de la Libération
Le 28 juin 1944, à l’aube, un groupe de résistants munis de faux papiers de miliciens pénétra au 10 de la rue de Solférino. Leur objectif? Enlever, ou à défaut, exécuter, Philippe Henriot, fervent collaborationniste avec l’occupant nazi, voix de Radio Paris (« Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand! », scandait Pierre Dac, sur les ondes de la BBC) et secrétaire d’État à l’Information et à la propagande du régime de Vichy. Ayant fait mine de se défendre, il fut abattu.
L’homme qui commandait ce groupe de résistants audacieux n’était autre que Charles Gonard, alias « Morlot ». Ce Compagnon de la Libération vient de s’éteindre à l’âge de 94 ans, le 12 juin à Vence (Alpes-Maritimes).
Né à Paris le 11 octobre 1921, Charles Gonard était lycéen quand, en 1939, il souhaite s’engager dans l’armée. Seulement, souffrant d’une pleurésie, il est ajourné. Après la campagne de France de mai-juin 1940, il veut répondre à l’appel du général de Gaulle. Mais les circonstances feront qu’il ne pourra pas embarquer à temps pour rejoindre Londres.
À Lyon, où il s’est replié, il forme une cellule gaulliste au sein de son lycée. Puis, à Marseille, où il effectue sa première année de droit, il entre en contact avec le réseau de résistance « Combat » d’Henri Frenay. Il devient alors agent de liaison. Un an plus tard, cette fois à Paris, où il poursuit ses études, Charles Gonard continue ses activités au sein du Front national universitaire et du groupe « Ceux de la Résistance » (CDLR).
Après avoir vainement tenté de rejoindre les Forces françaises libres (FFL) en passant par l’Espagne, il rencontre Serge Ravanel, le responsable des groupes francs des Mouvements unis de Résistance (MUR).
Dès lors, Charles Gonard retourne à Marseille pour y créer des groupes francs dans les 6 départements environnants. Ces unités multiplieront les opérations qu’il dirigera personnellement, du moins pour les plus importantes : actions contre des usines, destruction de relais de ligne à haute tension, coupures de voies ferrées, sabotage de locomotives, interception d’un train militaire allemand, attaque de la Gestapo à Gap, exécutions de collaborateurs, etc…
En février 1944, le jeune résistant revient à Paris pour former les groupes francs nationaux des Forces françaises de l’intérieur (FFI), qui dépendent du Comité d’action militaire (COMAC), créé par le Comité central des mouvements de Résistance. Plusieurs actions importantes sont à mettre à son actif, comme la destruction du fichier du Service du travail obligatoire (STO) de Versailles, l’attaque des collaborationnistes dirigés par François Spirito, l’évasion de Jean-Pierre Levy, le chef de Franc-Tireur alors détenu à la prison de la Santé, et donc l’exécution de Philippe Henriot.
Lors des combats de la Libération de Paris, Charles Gonard est blessé à la tête lors de l’attaque d’un convoi allemand. À la fin de la guerre, lieutenant-colonel des FFI, il sera fait Compagnon de la Libération en novembre 1945.
Mais c’est en tant que capitaine de réserve de l’Infanterie colonial que Charles Gonard passera deux ans en Indochine. Puis, par la suite, il entamera une carrière dans l’industrie qui le ménera à Strasbourg, à Paris puis au Maroc.
Modeste et d’une grande humilité, ce Compagnon de la Libération était commandeur de la Légion d’Honneur. Il était aussi titulaire de la Croix de Guerre 39/45 avec 5 citations et de la Médaille de la Résistance avec rosette.
Photo : Charles Gonard (c) Musée des Compagnons de la Libération