La France plaide pour des patrouilles navales européennes en Asie

Considérant que la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale lui appartient, Pékin a entrepris d’aménager des récifs appartenant aux archipels Spratleys et Paracel à des fins militaires. Il s’agit ainsi, pour l’Armée populaire de libération (APL) d’installer des capacités de déni d’accès et d’interdiction de zone (Anti Access/ Aera Denial ou A2/AD) afin d’en restreindre ou d’en interdire l’accès. Et cela malgré les prétentions territoriales qu’expriment les pays riverains, dont le Vietnam, les Philippines, la Malaisie, Taïwan et Bruneï.

Cette partie du monde est stratégique. Recelant d’importantes réserves d’hydrocarbures, la mer de Chine méridionale est située à un carrefour de routes maritimes indispensables au commerce mondial. Ainsi, par exemple, une interdiction de naviguer dans ces eaux mettrait le Japon dans une position fort délicate dans la mesure où 70% de ses importations de pétrole passent non loin des archipels Spratleys et Paracel.

Outre les pays riverains, les États-Unis contestent cette mainmise chinoise sur la mer de Chine méridionale, d’autant plus que les contentieux territoriaux dans cette zone n’ont pas été arbitrés. D’où l’envoi de destroyers et d’avions à 12 milles des récifs aménagés par Pékin. Ce qui donne lieu à de vives réactions des autorités chinoises, qui parlement de « provocations », de « militarisation » de la région, etc…

Les États-Unis ne sont pas les seuls à s’inquiéter pour la liberté de navigation. L’Australie a exprimé des préoccupations identiques. Et la France également, comme l’a rappelé Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, lors de son intervention au Shangri-La Dialogue, un forum sur la sécurité dans la région Asie-Pacifique organisé tous les ans par l’Institut International d’Études Stratégiques.

Étant donné que 85% de la zone économique exclusive (ZEE) française est située dans l’océan Pacifique et dans l’océan Indien, la France est de facto intéressée par tout ce qui peut se passer dans cette région.

« La question de la stabilité en Asie-Pacifique, n’est donc pas, (…) un sujet théorique. C’est un sujet concret qui mobilise toute une partie de mon ministère dans les domaines de la réflexion stratégique, du suivi des évolutions régionales, du dialogue avec nos partenaires, des activités de renseignement, de la planification et de la conduite opérationnelle », a souligné M. Le Drian.

Le ministre a ensuite rappelé les trois principes auxquels la France est attachée. Le premier est la « primauté du droit », en particulier le respect de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. « Les principes de liberté de navigation et de circulation aérienne (…) constituent aujourd’hui un enjeu crucial », a-t-il dit.

Et d’insister : « L’enjeu est de la plus haute importance, et pas uniquement pour la stabilité et la sécurité de la région [Asie-Pacifique] : si le doit de la mer n’est pas respecté aujourd’hui dans les mers de Chine, il sera menacé demain en Arctique, en Méditerranée ou ailleurs. Pour que les risques de conflit restent contenus, il nous faut défendre le droit, et nous défendre nous mêmes par le droit ».

« C’est un message que la France continuera de porter dans les enceintes internationales » et « de faire vire en faisant naviguer ses bâtiments et voler ses aéronefs partout où le droit international l’y autorise et où les besoins opérationnels les mènent », a expliqué M. Le Drian, qui a rappelé que, depuis janvier, trois déploiements « ont déjà été conduits » par la Marine nationale « dans cette perspective. » Et cela pour « défendre nos intérêts nationaux de sécurité, pour mettre en œuvre nos partenariats de défense et pour contribuer à la paix et à la sécurité régionale et internationale. »

Le second principe rappelé par le ministre porte sur le dialogue et la recherche d’un réglement pacifique des contentieux. Seulement, pour ce qui concerne la mer de Chine méridionale, on ne peut pas dire qu’il y ait une volonté réelle de trouver un terrain d’entente par la discussion entre les différentes parties, la tendance étant de pratiquer la politique du fait accompli.

D’où le troisième principe : la fermeté. « Nous devons être fermes face aux actions qui sapent les fondements de l’ordre international, fermes face au refus du droit et du dialogue », a affirmé M. Le Drian.

« Le corollaire de ce principe de fermeté, pour la France, est celui de la fiabilité. De la même manière que nous sommes un allié rigoureux des pays d’Europe de centrale et orientale, dans le contexte de crise ouvert en 2014 par la Russie (…) nous nous tenons aux côtés de nos principaux partenaires » de la région Asie Pacifique, a fait valoir le ministre, en citant notamment l’Inde, la Malaisie, Singapour et l’Australie [ndlr, il aurait aussi pu citer le Japon, les Philippines, et même le Vietnam, pays avec lequel il est question d’établir de renforcer la coopération dans le domaine de défense].

Cependant, et pour M. Le Drian, la situation dans la région Asie-Pacifique concerne aussi les Européens. Car, les trois principes qu’il a énoncés sont « au coeur du multilatéralisme responsable qui doit caractériser, aux yeux de la France, l’action de l’Union européenne. »

Aussi, le ministre français a ouvertement envisagé une coordination des marines européennes « de manière à assurer une présence aussi régulière que possible dans les espaces maritimes en Asie ». Une proposition allant dans ce sens sera adressée par M. Le Drian à ses homologues de l’UE. « J’espère que lors de la prochaine édition de Shangri-La Dialogue, nous pourrons ensemble, en mesure les effets », a-t-il conclu.

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