L’envoyé spécial de l’ONU en Libye fustige l’inefficacité de l’opération navale européenne Sophia

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Si l’on avait encore quelques doutes sur la présence des forces spéciales français en Libye, Martin Kobler, l’envoyé spécial des Nations unies pour ce pays, les a [officiellement] balayés en une seule phrase lors d’un entretien accordé au Journal du Dimanche.

Évoquant le rôle du général Khalifa Haftar, qui refuse de reconnaître, comme le Parlement de Tobrouk, le gouvernement d’union nationale dirigé par Fayez el-Sarraj et soutenu par la communauté internationale, M. Kobler a en effet confirmé la présence de forces spéciales américaines et françaises sur le sol libyen, face à l’État islamique (EI).

Dans le fond, l’intérêt de cet entretien ne réside pas dans cette affirmation dans la mesure où elle ne constitue pas une « révélation ». En revanche, les informations données par M. Kobler au sujet de la branche libyenne de l’EI sont plus intéressantes et recoupent celles données par les responsables militaires occidentaux.

Ainsi, l’EI compterait en Libye, selon l’estimation donnée par l’envoyé spécial de l’ONU, près de 5.000 combattants, dont 70% d’étrangers. « Ils se propagent et s’enfoncent vers le Sud, à la limite du Niger et du Tchad », a-t-il dit.

Pour se financer, la branche libyenne de l’EI prélève des taxes « chez les déplacés » et profite de « la traite humaine » ainsi que de « l’industrie des enlèvements ». Et cela, avec parfois la complicité de certaines milices.

S’agissant des armes, elles arrivent par la mer ou via le Soudan, c’est à dire par les « les routes traditionnelles de trafic. » Et là encore, les jihadistes peuvent compter sur des milices libyennes pour s’approvisionner.

En outre, des soupçons de liens avec d’autres organisations jihadistes existent. « La semaine passée, une cellule a été démantelée à Tripoli. Parmi les 17 jihadistes arrêtés, l’un était Nigérian. On peut donc suspecter des connexions avec Boko Haram [qui a fait allégeance à l’EI, ndlr] », a affirmé M. Kobler. « L’expansion vers le sud libyen est d’ailleurs un signe de cette recherche de connexions. Cela doit être arrêté rapidement, sinon… », a-t-il prévenu.

Il y a également de fortes présomptions concernant l’arrivée en Libye de cadres de l’EI venus de Syrie et d’Irak. « J’ignore si des instructeurs sont arrivés du Levant mais nos experts nous disent que les combattants de Libye sont beaucoup plus professionnels qu’il y a un an », a expliqué M. Kobler.

À la question de savoir comment font les combattants de l’EI pour arriver en Libye, l’envoyé spécial de l’ONU a affirmé que « tout est ouvert » mais que « la frontière maritime en particulier n’est pas contrôlée. » Et cela, alors qu’une opération navale européenne, appelée Sophia, est actuellement en cours au large de la Libye.

Mais, comme les parlementaires britanniques avant lui, et contrairement aux affirmations de Bruxelles, où l’opération Sophia est vue comme un « succès », M. Kobler a déploré son inefficacité en des termes rudes.

Cette opération Sophia « crée un appel d’air! Elle ne patrouille pas dans les eaux territoriales libyennes. Les passeurs mettent donc les migrants dans les bateaux et ne leur donnent même plus l’essence suffisante pour aller jusqu’à Lampedusa. Ensuite, ils appellent le numéro d’urgence en Italie leur disant : ‘Eh, préparez-vous, 500 vont arriver!' », a-t-il expliqué.

Dans les semaines qui viennent, la mission de l’Union européenne devrait être soutenue par des moyens l’Otan (ce sera enterriné lors du sommet de Varsovie), l’opération anti-terrorisme Active Endeavour devant être redéployée en Méditerranée centrale. Mais sans l’autorisation d’opérer dans les eaux libyennes, cela ne changera pas grand chose.

 

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