La liberté d’expression des militaires fait polémique en Israël
Le général Yair Golan n’est pas le premier militaire venu : il est l’adjoint du chef d’état-major des forces armées israéliennes. Aussi, quand il s’exprime, ses mots ont donc un certain poids.
Le 5 mai, lors des cérémonies de commémoration de la Shoah (Yom HaShoah), il a affirmé : « Une chose m’effraie. C’est de relever les processus nauséabonds qui se sont déroulés en Europe en général et plus particulièrement en Allemagne, il y a 70, 80 et 90 ans. Et de voir des signes de cela parmi nous en cette année 2016. La Shoah doit inciter à une réflexion fondamentale sur la façon dont on traite ici et maintenant l’étranger, l’orphelin et la veuve. » Et d’insister : « Il n’y a rien de plus simple que de haïr l’étranger, rien de plus simple que de susciter les peurs et d’intimider… »
Ces propos ont immédiatement suscité une polémique et le général Yair Golan s’est attiré les foudres de la droite israélienne. Il a ainsi été accusé de « porter atteinte à la communication israélienne partout dans le monde » par le ministre de la Science, Ofir Akunis, qui a exigé des excuses et une rectification de ses propos. Quant au chef du gouvernement, Benjamin Netanyahu, il a demandé une mise au point. Ce qui a été fait.
« Je n’avais absolument pas l’intention de comparer Tsahal à la Wehrmacht ni Israël à l’Allemagne nazie », a expliqué, plus tard, le général Golan. Mais ce dernier est dans le même état d’esprit, si l’on peut dire, de son supérieur direct, le général Gadi Eizenkot, le chef d’état-major de Tsahal.
« Nous ne pouvons pas agir selon des slogans du type : ‘Si quelqu’un vient pour vous tuer, tuez-le d’abord’. Je ne veux pas qu’un soldat vide un chargeur sur une fille de treize ans qui le menace avec des ciseaux », avait-il affirmé, en février, ce qui lui valut de nombreuses critiques. Pourtant, le général Eizenkot ne passe pas particulièrement pour un tendre… Mais il défend une certaine éthique du métier soldat qui, visiblement, a du mal à être comprise.
Toutefois, ces officiers ont reçu le soutien de leur ministre de tutelle, Moshé Yaalon. « Continuez à dire ce que vous pensez et faites le même si vos propos ne font pas partie du courant majoritaire ou des positions et des idées de vos commandants ou de la direction politique », a-t-il lancé, le 15 mai, devant des hauts gradés, d’une réception à Tel-Aviv.
« Soyez courageux sur le champ de bataille mais aussi à la table des discussions. Une bonne armée est une armée dont les commandants sentent qu’ils peuvent faire entendre leurs voix à n’importe quel moment », a encore ajouté M. Yaalon.
Seulement, ces propos n’ont pas plu au Premier ministre israélien. « Les commandants de l’armée font entendre leurs voix librement dans les forums appropriés et sur les sujets dont ils sont chargés », a fait valoir M. Netanyahu, dans un communiqué. Et de souligner que l’armée devait être maintenue « en dehors des divisions politiques. »
Le lendemain, le ministre de la Défense a ainsi été convoqué par M. Netanyahu pour, d’après les médias israéliens, se faire rappeler à l’ordre pour ses propos tenus la veille. Propos qui, selon le chef du gouvernement, remettraient en cause la primauté du politique sur le militaire.
À l’issue de leur rencontre, les deux responsables ont publié un communiqué commun afin de « clarifier les choses ». « Il ne fait aucun doute, et il n’a jamais fait aucun doute, que l’armée est sujette et subordonnée à la direction politique et que les officiers sont libres d’exprimer leur opinion là où il est approprié de le faire », ont-ils ainsi affirmé. En clair, en Israël, et comme l’aurait dit un ancien Premier ministre français (qui a regretté la forme mais pas le fond de ses propos), « un militaire, c’est comme un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ».
Photo : Le général Gadi Einsenkot, chef d’état-major de Tsahal