Migrants : Un rapport parlementaire britannique estime que l’opération européenne Sophia est un échec

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En juin 2015, l’opération navale EUNAVFOR MED, rebaptisée « Sophia », a été lancée par l’Union européenne afin de « casser » le modèle économique des passeurs de migrants opérant depuis le littoral libyen. Et cela afin de tarir le flux des arrivées en Italie, qui est l’une des principales portes d’entrée en Europe.

Cette opération compte trois phase. La première a consisté à collecter des renseignements sur les réseaux de trafiquants. La seconde, commencée en octobre dernier, autorise l’arraisonnement des navires utilisés par les passeurs dans les eaux internationales, dans la limite du droit maritime international.

Enfin, la troisième prévoit d’intervenir dans les eaux territoriales libyennes, voire sur le littoral. Seulement, elle n’est pas prête d’être lancée, étant donné qu’il faut un accord du gouvernement d’unité nationale libyen, lequel est pour le moment occupé à asseoir son autorité dans le pays.

Selon les chiffres donnés par l’état-major de l’opération Sophia, qui mobilise 5 navires militaires européens ainsi que des moyens aériens, 114 bateaux de trafiquants ont été saisis et 69 passeurs présumés ont été arrêtés et remis aux autorités italiennes.

« Je considère que l’opération est un réel succès », a estimé, en avril, Federica Mogherini, Mme le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, lors d’un entretien accordé au quotidien Le Monde.

Mais tel n’est pas l’avis d’un rapport parlementaire britannique publié par le comité « Union européenne » de la Chambre des Lords [chambre haute du Parlement du Royaume-Uni, ndlr]. Pour ce document, l’opération Sophia est un « échec » car, pour résumer, elle traite « les symptômes » et non les causes du problème.

Ainsi, selon ce rapport, l’opération Sophia « ne réduit en rien le nombre de migrants, ne perturbe pas les réseaux de trafiquants ni n’entrave le trafic humain en Méditerranée centrale ».

En outre, le comité britannique relativise la portée des arrestations de passeurs, lesquels sont généralement des sous-fifres, les responsables des trafics se gardant évidemment de s’exposer. Qui plus est, « la destruction de navires a encouragé l’utilisation de canots pneumatiques, qui sont encore plus dangereux » pour les migrants. Par ailleurs, les passeurs s’arrangent pour laisser ces embarcations à la limite des eaux territoriales libyennes, ce qui oblige à organiser des opérations de secours.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis le début de l’année, la seule marine italienne a sauvé 30.000 migrants, soit un niveau comparable à ceux constatés en 2014 et en 2015.

Un autre problème soulevé par le rapport est le manque de renseignements fiables sur les réseaux de passeurs. « Sans le soutien d’un gouvernement libyen stable, l’opération ne peut pas rassembler les informations nécessaires pour s’attaquer aux trafiquants à terre », a estimé Lord Tugendhat.

D’où la conclusion du rapport : « Il est donc peu probable que l’opération Sophia puisse casser le modèle économique des passeurs de migrants. » Du moins en l’état actuel des choses. Sans doute que le passage à la phase 3 de cette opération changera la donne.

Quoi qu’il en soit, ce rapport, qui invite aussi l’UE à trouver une stratégie visant à lutter contre les causes profondes de ces migrations, a été diffusé alors que l’Italie entend demander à l’Otan d’intervenir en Méditerranée centrale pour l’aider à gérer la crise des migrants.

« Au niveau de l’Otan, nous avons demandé à ce que l’opération Active Endeavour soit transformée, d’une opération anti-terroriste en Méditerranée orientale, en une opération qui engloble les côtes libyennes », a en effet affirmé, en avril, Mme Pinotti, la ministre italienne de la Défense.

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