Le contrat des sous-marins australiens préoccupe la Chine

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Ainsi, l’Australie a choisi le groupe français DCNS pour livrer à sa marine, dès 2027, 12 sous-marins Barracuda Shortfin Block1A à propulsion classique. Pour la Royal Australian Navy (RAN), ce contrat lui permettra de renforcer significativement ses capacités dans ce domaine, à la fois quantitativement et qualitativement.

En effet, la marine australienne compte actuellement 6 sous-marins de la classe Collins qui n’ont pas toujours donné pleinement satisfaction. Dérivé du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de la classe Suffren, le Barracuda Shortfin Block1A lui offrira, selon Marie-Pierre de Bailliencourt, la directrice générale en charge du développement de DCNS, les « meilleures capacités opérationnelles », notamment au niveau de la discrétion acoustique. Il va « garantir aux Australiens la meilleure autonomie et la meilleure endurance à la mer, c’est-à-dire sa capacité à mener de longues patrouilles », a-t-elle ajouté.

Un avis évidemment partagé par le Premier ministre australien, Malcom Turnbull, pour qui ces 12 sous-marins seront « les vaisseaux les plus sophistiqués construits dans le monde. »

Au-delà des retombées économiques et des aspects technologiques, ce contrat a des conséquences géopolitiques. Car, l’acquisition de ces sous-marins se fera dans le cadre d’un « plan de modernisation de la marine [australienne] qui est le plus ambitieux de la Seconde Guerre Mondiale », comme l’a souligné la ministre australienne Maryse Payne, en introduction du dernier Livre blanc sur la défense publié par Canberra.

Outre les sous-marins, l’Australie compte en effet moderniser sa flotte de surface avec l’achat de nouvelles frégates (programme SEA 5000) destinées à remplacer celles de la classe Anzac et la mise en service de trois destroyers de type Hobart (programme SEA 4000). Et c’est sans compter sur le renouvellement des patrouilleurs de la RAN.

Pour l’Australie, il s’agit ainsi de faire face à la militarisation croissante de la région Asie-Pacifique, qui, d’ici 20 ans, concentrera la moité des sous-marins et des avions de combat opérationnels dans le monde, motivée par des conflits territoriaux qui risquent de menacer sa stabilité.

« Nous serions préoccupés si la course à l’influence et la croissance des capacités militaires devait générer de l’instabilité et menacer les intérêts australiens, que ce soit en mer de Chine méridionale, sur la péninsule coréenne ou ailleurs », avait expliqué M. Turnbull à l’occasion de la publication du Livre blanc sur la Défense.

Justement, Canberra s’oppose à la main-mise de Pékin sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, région stratégique en raison de ses ressources en hydrocarbures supposées et de sa position géographique, qui en fait le carrefour des principales routes commerciales maritimes.

Aussi, il n’est guère étonnant que la Chine réagisse négativement au renforcement significatif des capacités de la Royal Australian Navy dans le domaine des sous-marins.

Dans un éditorial, le quotidien Global Times, proche du Parti communiste chinois, a critiqué l’achat de sous-marins français par l’Australie, en se réjouissant, au passage, de l’échec de l’offre japonaise, ce qui ne mange pas de pain.

« Canberra doit savoir que son programme de sous-marins (…) fait partie du jeu géopolitique en Asie-Pacifique et qu’il sera utilisé comme monnaie d’échange dans la lutte stratégique régionale », prévient ainsi le Global Times.

« Si (les sous-marins australiens) contribuent à renforcer la pression militaire sur la Chine, elle sera contrainte de développer de plus fortes capacités de contre-offensive, ce qui au final irait à l’encontre des intérêts nationaux de l’Australie », ajoute le quotidien, qui ne manque pas de souligner que Pékin st le premier partenaire commercial de Canberra.

Cela étant, le Global Times a beau jeu de s’inquiéter du renforcement des capacités sous-marines australiennes car la Chine n’est pas en reste dans ce domaine, avec la mise en chantier de nouveaux submersibles, comme les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) des classes Jin (type 094) et Tang (type 096), ou encore les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type 095 ou Shang/type 093. Et c’est sans compter sur les sous-marins à propulsion classique en service au sein de la composante navale de l’Armée populaire de libération (APL).

Encore récemment, les nouveaux sous-marins nucléaires chinois passaient pour avoir de piètres qualités. Ce qu’avait souligné l’U.S. Navy’s Office of Naval Intelligence, qui, dans un rapport édité en 2009 [.pdf], avait estimé que ce type de submersible était aussi bruyant que les modèles soviétiques mis au point dans les années 1970. Mais, depuis, les ingénieurs chinois ont apporté des améliorations, avec une version améliorée du Shang (type 093G).

En effet, à en croire l’amiral Bernard Rogel, le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM), la Chine aurait fait des progrès importants, les SNA de type Shang étant ainsi « crédités d’un remarquable niveau de discrétion acoustique  » selon lui.

« Les sous-marins classiques chinois actuels ne sont pas aussi avancés que leurs équivalents européens, mais ils sont efficaces dans la mission qui leur est donnée. (…) Le plus récent sous-marin à propulsion anaérobie, le Yuan, aurait des systèmes de combat modernes (…). L’attention récente portée par la Chine aux sous-marins nucléaires s’explique par sa volonté de jouer un plus grand rôle sur la scène géopolitique », faisait valoir, en octobre 2015, Bryan Clark, du Center for Strategic and Budgetary Assessment, un centre de recherche américain.

Photo : le Shortfin Barracuda (c) DCNS

 

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