L’armée nigériane accusée d’avoir massacré 347 musulmans chiites

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Voici une affaire qui risque de rendre plus compliqués les efforts de certains pays occidentaux pour aider le Nigéria à combattre le groupe jihadiste Boko Haram dans la mesure où leur législation interdit tout soutien à des forces armées s’étant livrées à des violations des droits de l’Homme et à des exactions.

Tout commence le 12 décembre 2015. Ce jour-là, le Mouvement islamique du Nigéria (IMN), une formation pro-iranienne influente au sein de la petite communauté de musulmans chiites établie dans le pays, organise une procession religieuse dans son fief de Zaria (État de Kaduna, nord) sur la route que devait emprunter passer le convoi du général Tukur Yusuf Buratai, le chef d’état-major des armées nigérianes.

À partir de là, les versions divergent. Selon l’armée nigériane, les partisans de l’IMN auraient tenté d’assassiner le général Buratai. Ce que le mouvement chiite a démenti. Mais une chose est sûre : cette situation a donné lieu à de violents affrontements.

Ainsi, les soldats nigérians ont attaqué les militants chiites et détruit une mosquée ainsi que la maison du chef de l’IMN, cheikh Ibrahim Zakzaky, alors défendue par une centaine de sympathisants. Dans un premier temps, le bilan des affrontements a été difficile à établir. Mais, l’enquête menée sur ces incidents à fait état 347corps enterrés dans une fosse commune.

Ce bilan a corroboré celui avancé par l’ONG Human Rights Watch, qui avait estimé le nombre de tués à « au moins 300 ». Un chiffre alors jugé « sans fondement » par l’armée nigériane… Dans le même temps, l’IMN a indiqué être sans nouvelles de 730 de ses militants.

Dans un rapport publié ce 22 avril [.pdf] et intitulé « Révélons la vérité sur les assassinats et la dissimulation de masse à Zaria », une autre ONG, Amnesty International, a enfoncé le clou en accusant l’armée nigériane de s’être livrée à un massacre et d’avoir cherché à en dissimuler les traces.

« L’armée nigériane a brûlé vif plusieurs personnes, rasé des bâtiments et jeté les corps dans des fosses communes », écrit Amnesty International, selon qui les soldats nigérians ont aussi tiré « à l’aveugle » sur des civils désarmés.

« La raison pour laquelle l’armée a lancé une telle opération militaire n’est pas claire dans une situation de simple maintien de l’ordre public », peut on également lire dans le rapport. Le document relève également que l’état-major nigérian « n’a fourni aucune preuve alimentant ses allégations selon lesquelles les protestataires de l’IMN auraient tenté d’assassiner le général Buratai.

Enfin, le rapport d’Amnesty International avance que des preuves du carnage ont été « méticuleusement détruites ». Et d’ajouter : « Les corps ont été emmenés, le site rasé, les gravats déblayés, les traces de sang nettoyées, les balles et les douilles ôtées des rues. »

De son côté, l’armée nigériane assure qu’elle a agi de façon « appropriée » à Zaria et qu’elle a respecté ses règles d’engagement. Son porte-parole, le général Rabe Abubakar, a trouvé « injuste » le rapport de l’ONG. « S’ils ont des preuves, qu’ils les montrent pour que tout le monde les voie », a-t-il dit, avant d’assurer que les forces nigérianes ne s’en prenaient pas à ceux qui « respectent la loi ». « Ceux que nous avons affrontés [à Zaria] devaient être des criminels ou des ennemis de l’État », a-t-il fait valoir.

Quoi qu’il en soit, et bien que le président nigérian, Muhammadu Buhari, s’est engagé à ouvrir des enquêtes sur de tels faits, Amnesty International déplire que, « à ce jour, aucune mesure concrète n’a été prise pour mettre fin à l’impunité face à de tels crimes. »

 

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