Le projet de confier au secteur privé le démantèlement des aéronefs militaires en fin de vie a été « reconsidéré »

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En 2014, la base aérienne 279 de Châteaudun (Eure-et-Loir) devenait un « Élément Air Rattaché » à celle d’Orléans. Étant donné sa vocation, il fut très vite question d’y implanter une filière industrielle privée de « déconstruction » des aéronefs militaires en fin de vie. Et ce projet fut confié au général de corps aérien Guy Girier, alors directeur de la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD).

Depuis, fait extrêmement rare, le général Girier a démissionné de la SIMMAD, à l’issue d’un comité interministériel d’investissement « houleux » portant justement sur la mise en place de cette filière de déconstruction à Châteaudun [il a été remplacé par le général général Philippe Roos, ndlr]. Les raisons de ce départ n’ont pas été précisées… Mais un référé de la Cour des comptes sur ce « projet de gestion des aéronefs retirés du service de l’État » apporte probablement quelques réponses.

Ainsi, la Cour des comptes a identifié quatre « obstacles » à la mise en place d’un tel projet d’externalisation. Le premier est que les industriels consultés par la SIMMAD ont mis des conditions à leur participation à cette filière, dont une portant sur l’engagmeent de l’État « sur le nombre et la qualité des matériels concernés ». Pour la rue Cambon, cela limiterait « la souplesse d’usage dans la gestion des aéronefs et des matériels aéronautiques et leur maintien en condition opérationnelle ».

Et d’insister : « Les industriels contrôleraient de la sorte le parc des aéronefs vieillissants et pourraient en imposer un retrait prématuré du service, au détriment de l’usage actif ou résiduel que pourraient encore en faire les armées. »

En outre, ces industriels ont aussi posé comme condition un « partage des risques » avec l’État dans le cas où les ventes de pièces détachées se feraient à un « niveau inférieur à celui escompté ». Qui plus est, ils ont également demandé à prémunis des « conflits éventuels avec les industriels aéronautiques ».

Enfin, ils ont même dit souhaiter que l’État s’engage « à faciliter leurs opérations commerciales ». En clair, a estimé la Cour des comptes, la « prospection ne serait plus alors conduite au bénéfice de l’État vendeur mais d’opérateurs privés ».

Un autre obstacle identifié par la Cour des comptes porte sur la rentabilité, pour les industriels, d’un tel projet. « Il n’est pas avéré que les stocks des aéronefs et des pièces détachées à céder, qui font l’objet d’un inventaire encore très imprécis à ce jour, soient suffisants pour assurer aux industriels une activité suffisamment lucrative », a-t-elle noté. Et cela d’autant plus que, a-t-elle fait valoir, la SIMMAD n’a pas une connaissance précise de « la valeur réelle de ses stocks de piècés détachées d’aéronefs ».

Aussi, pour les magistrats financiers, la rentabilité de ce projet pourrait être « compromise par le coûts du démantèlement des aéronefs préalable à la commercialisation des pièces et sous-produits, qui pèserait sur les charges et le résultat d’exploitation du délégataire, d’autant que le démantèlement ne devrait contribuer, au mieux, qu’à titre accessoire à la création de revenus pour les industriels qui se sont déclarés intéressés par le projet. »

Enfin, la Cour des comptes a déploré qu’aucun des quatre scénarios d’externalisation étudiés par la SIMMAD n’ait été comparés avec le dispositif actuel. « Les bénéfices ou pertes potentielles par rapport à la poursuite du mode de gestion ne sont donc pas connus », a-t-elle fait valoir, en soulignant que le seul plan d’affaires auquel elle a eu accès reposait sur des données « insuffisamment détaillées et justifiées, tant en recettes qu’en dépenses. »

« La Cour appelle l’attention sur le risque que la SIMMAD, dont les faiblesses de gestion ont été, à plusieurs reprises, signalées, s’engage dans un projet de délégation de gestion globale du stockage, du démantèlement et de la cession des aéronefs et pièces détachées par les industriels, alors même que la comparaison internationale menée par ce service
avec les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne montre qu’aucun de ces pays n’a adopté un mode de gestion équivalent pour ces vieux aéronefs militaires », peut-on lire dans le référé. Aussi, pour les magistrats, « ce constat ne peut qu’inciter à la prudence sur le montage envisagé. »

Dans sa réponse, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est allé dans le sens des conclusions « pertinentes dans l’absolu » de la Cour des comptes.

« À la suite de la présentation par la SIMMAD de l’état du projet lors du comité ministériel d’ investissements du 15 janvier 2016, j’ai décidé que la mise en place d’une structure industrielle privée unique, intégrant les fonctions de cession, de stockage et de démantèlement dans un contrat global, devait être reconsidérée », a ainsi fait savoir le ministre.

Et d’ajouter : « En conséquence, un chef de projet a été nommé au ler février 2016 pour réorienter les travaux tout en conservant la finalité du projet, mais sur la base d’un allotissement des trois fonctions de cession, de stockage et de démantèlement. »

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