Un dialogue Otan-Russie « franc et sérieux » pour constater des « désaccords profonds »

Pour la première fois depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, un Conseil Otan-Russie s’est tenu, ce 20 avril, à Bruxelles. Au vu des contentieux en cours, l’ordre du jour promettait d’être riche. Mais, finalement, cette réunion n’aura servi qu’à constater les l’ampleur des désaccords entre Moscou et l’Alliance atlantique. Mais pouvait-il en aller autrement?

Premier dossier abordé : l’Ukraine. Comme attendu, la réunion de ce jour n’a évidemment pas permis de rapprocher les points de vue, chacun campant sur ses positions. Mais le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a parlé de « discussions franches et sérieuses ». « Nous avons écouté ce que les uns et les autres avaient à dire », a-t-il affirmé.

Mais, « lors de cette rencontre, il a été reconfirmé que nous étions en désaccord sur les faits, sur l’histoire et sur les responsabilités en Ukraine et autour de l’Ukraine », a déclaré M. Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, à l’issue de la réunion.

« De nombreux alliés ne sont pas d’accord quand la Russie essaie de présenter cela comme une guerre civile. C’est la Russie qui déstabilise l’est de l’Ukraine, apporte un soutien
aux séparatistes, munitions, finances, équipements et aussi structures de commandement et de contrôle », a ajouté M. Stoltenberg, avant de rappeler que les Alliés « ne reconnaissent pas l’annexion illégale de la Crimée » par Moscou.

Toutefois, il a été convenu de la nécessité d’arriver « à la mise en oeuvre rapide et complète des accords de Minsk », censés instaurer un cessez-le-feu (toujours fragile) et déboucher sur une modification de la Constitution ukrainienne pour donner à la région séparatiste du Donbass plus d’autonomie.

Un autre sujet abordé a concerné la transparence des activités militaires. Et là encore, aucune des deux parties n’a pu s’entendre.

Si les forces armées d’un pays ou d’une alliance ont le droit de mener des exercices, les alliés ont constaté, selon M. Stoltenberg, « moins de transparence » et de « prévisibilité » dans les activités militaires russes, par ailleurs en augmentation. « Tout cela représente une combinaison dangereuse », a-t-il dit si l’on y ajoute la « rhétorique » qui les accompagne.

Le fait est, les bombardiers stratégiques russes effectuent régulièrement des vols à proximité de l’espace aérien de l’Otan tandis que l’activité des sous-marins russes n’a jamais été aussi élevée depuis la fin de la Guerre Froide.

« Il est important de considérer les mesures que nous pouvons tous prendre pour accroître la transparence et la prévisibilité. Au sein de l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ndlr], les pays de l’Otan et la Russie ont convenu de règles régissant les activités militaires en Europe, y compris l’observation et la notification des exercices. Ces règles doivent être respectées », a estimé M. Stoltenberg. « Ceci est à la fois l’intérêt de l’Otan et de la Russie », a-t-il ajouté.

Enfin, toujours dans le même registre, les Alliés ont exprimé leurs préoccupations au sujet des incidents ayant impliqués, dans la région de la Baltique, « des avions militaires russes ». Pour rappel, des Su-24 Fencer ont survolé, d’une façon jugée agressive, un destroyer USS Donald Cook tandis qu’un Su-27 Flanker a effectué des manoeuvres dangereuses autour d’un avion de renseignement de l’US Air Force.

Sur ce point, et alors qu’il est question de déployer une brigade blindée américaine sur le flanc oriental de l’Alliance (sans parler du projet de défense antimissile), Alexander Grouchko, l’ambassadeur de la Russie auprès de l’Otan, a reproché aux Alliés leurs activités militaires aux frontières russes. Et il a notamment cité la présence de l’USS Donald Cook près de l’enclave de Kaliningrad [ndlr, le destroyer américain naviguait à 70 milles de là].

« Il s’agit de tentatives visant à exercer une pression militaire sur la Russie », a affirmé le diplomate russe. « Nous prendrons toutes les mesures nécessaires, toutes les précautions pour contrebalancer ces tentatives de recourir à la force militaire », a-t-il ajouté.

Malgré les désaccords, M. Stoltenberg a estimé qu’il est « dans l’intérêt de nous tous de maintenir ouverts les canaux de dialogue politique » avec la Russie car « c’est nécessaire et utile à la fois, particulièrement en ces temps de tensions. »

De son côté, M. Grouchko s’est montré moins enthousiaste étant donné qu’il a affirmé vouloir analyser les résultats de cette réunion et examiner les arguments avancés par l’Otan avant d’envisager une nouvelle rencontre.

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