Selon M. Ayrault, Paris n’envisage toujours pas d’intervention militaire en Libye

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Pour casser le modèle économique des passeurs de migrants et contrer l’expansion de l’État islamique (EI ou Daesh) ainsi que celle d’autres organisations jihadistes en Libye, les puissances occidentales placent leurs espoirs dans l’installation, à Tripoli, d’un gouvernement d’unité nationale.

Actuellement, la Libye compte deux gouvernements : l’un, reconnu par la communauté internationale, est installé dans la région de Tobrouk, tandis que l’autre, soutenu par une coalition de milices en partie islamiste, est situé à Tripoli.

Mais tant que ce gouvernement d’unité nationale, qui doit être dirigé par Fayez al-Sarraj, n’est pas en place, il n’est pas question de mener une action militaire en Libye. Pour le moment, et si l’on en croit le général Donald Bolduc, le commandant des forces spéciales américaines en Afrique, un « centre de coordination de la coalition » a été mis en place à Rome, dans l’attente d’une demande d’assistance des autorités libyennes.

Cela étant, des opérations discrètes sont régulièrement menées contre la direction de la branche libyenne de Daesh, ce qui donne lieu à des frappes aériennes ciblées, réalisées par l’aviation américaine. En outre, des vols de renseignement sont aussi menés.

Mais, plus généralement, quelles actions pourront être entreprises une fois que le gouvernement de M. al-Sarraj sera installé? Et avec quels pays?

À en croire le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, il n’est absolument pas question d’une intervention militaire en Libye. « Il ne faut pas refaire les erreurs du passé. Si vous imaginez des frappes aériennes, si vous imaginez des troupes au sol, ce n’est pas d’actualité, en tout cas, ce n’est pas la position de la France », a-t-il dit, ce 8 avril, sur les ondes de France Info.

« Par contre, pour sécuriser le gouvernement de M. Sarraj, s’il demande une aide internationale, alors nous l’examinerons. Mais c’est sa décision, il faut respecter l’indépendance de ce pays », a ajouté le patron du Quai d’Orsay. « J’ai eu au téléphone hier M. Sarraj, qui m’a invité à venir en Libye. Aussitôt que les conditions seront réunies, je m’y rendrai », a-t-il précisé.

Seulement, la présence d’organisations jihadistes n’est pas le seul problème. Celle des passeurs de migrants en est un autre. « La Libye peut être un chaos et offrir aux passeurs, aux trafiquants de toutes sortes, l’occasion de mettre des populations entières en danger et ensuite de faire arriver en Europe, en Italie ou à Malte, des dizaines de milliers de personnes », a ainsi rappelé le président Hollande, le 7 avril.

Or, l’opération navale européenne Sophia, lancée en juin 2015, prévoit dans sa phase 3 une intervention sur le littoral libyen afin de détruire les embarcations utilisées par les trafiquants. Aussi, cela suppose un engagement possible de forces françaises pour mener cette mission à bien.

« Le rôle de notre diplomatie est de pousser les acteurs à parvenir à un accord qui seul permettrait à la force EUNAVFOR MED Sophia d’interpeller les passeurs dans les eaux territoriales libyennes. En effet, cette option n’est possible que si un gouvernement y appelle. Militairement réalisable, cette démarche doit absolument être entreprise avant le retour du beau temps ; sinon, nous serons confrontés à des mouvements de migrants que les membres de Daesh pourraient utiliser comme couverture, entraînant des risques considérables pour notre sécurité. Il faut donc impérativement faire aboutir cet accord politique; cela semble possible, mais vu le nombre d’échecs passés, on peut s’interroger sur la fiabilité des pronostics », expliquait, en février, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense.

S’agissant de l’accord politique évoqué par M. Le Drian, il reste encore compliqué à obtenir. Certes, l’arrivée surprise, à Tripoli, le 30 mars, de Fayez al-Sarraj, aura été une avancée. Mais la situation reste confuse, avec un gouvernement (celui qui n’est pas reconnu) dont on ne sait s’il a effectivement renoncé à ses pouvoirs.

En outre, M. Sarraj doit encore recevoir l’investiture du Parlement siégeant à Tobrouk (reconnu par la communauté internationale) mais ce dernier faut plus que de traîner des pieds. Après une demi-douzaine de tentatives, un nouveau vote doit avoir lieu le 12 avril prochain. L’enjeu est l’avenir du général Khalifa Haftar, le commandant de l’Armée nationale libyenne (ANL). Si aucune assurance n’est donnée à son sujet, il y a fort à parier que le gouvernement d’unité nationale restera encore virtuel pendant longtemps…

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