Un livre du général Soubelet fait des vagues au sein de la Gendarmerie
« Tout ce qu’il ne faut pas dire« . Le titre que le général de gendarmerie Bertrand Soubelet a donné à son livre, disponible en librairie à partir du 24 mars, donne le ton. Et si on n’en est pas encore convaincu, il suffit de lire la notice de l’éditeur (Plon).
« Moi, Bertrand Soubelet, général de corps d’armée, directeur des Opérations et de l’Emploi de la gendarmerie, j’ai été écarté pour avoir dit la vérité : la sécurité dans notre pays n’est pas assurée comme elle le devrait », y est-il écrit.
En décembre 2013, le général Soubelet, alors numéro trois de la Gendarmerie nationale, avait défrayé la chronique en tenant des propos sans langue de bois lors d’une audition dans le cadre de la mission d’information relative à la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire lancée par la Commission des lois de l’Assemblée nationale.
« Les gendarmes sont inquiets car on prend plus soin des auteurs (d’actes délictueux) que des victimes », avait-il déploré. Et d’insister : « les auteurs d’atteintes aux biens (cambriolages, vols…), les plus importantes numériquement, bénéficient d’un traitement pénal qui leur permet de continuer à exercer leurs activités ».
Quelques mois plus tôt, lors d’une session du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG), le général Soubelet avait tenu des propos également remarqués. « Nous ne pouvons pas dire à nos subordonnées qu’avec nos moyens actuels, nous pouvons être meilleurs (…) Nous le ferons différemment mais certainement pas mieux. (…) La seule possibilité serait de tirer sur la ‘couenne’ des personnels, au risque de mettre en déséquilibre leur santé », avait-il lancé.
Quoi qu’il en soit, suite à son audition à l’Assemblée nationale, le général Soubelet bénéficia d’un élan de sympathie sur les réseaux sociaux (mais aussi chez les gendarmes). Mais ses propos lui valurent le courroux de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur. « Les forces de l’ordre et la justice doivent partager les mêmes buts » et « je ne tolérerai aucun manque à cette ligne de conduite sur le cap, la direction et la manière de travailler ensemble car l’engagement et la loyauté sont indispensables », avait-il affirmé, tout en assurant être sur la même « longueur d’onde » avec la « Garde des Sceaux » [Christiane Taubira, ndlr].
En juillet 2014, le général Soubelet fut nommé commandant de la gendarmerie d’outre-mer (CGOM) et abandonna ainsi ses fonctions de numéro trois de la Gendarmerie nationale.
« Des pressions ont été exercées sur moi pour me faire quitter la gendarmerie qui a été ma vie pendant trente-cinq ans. Désormais personne ne peut m’opposer un pseudo devoir de réserve. D’où ce livre », explique le général Soubelet pour présenter son ouvrage.
Seulement, le directeur général de la Gendarmerie nationale (DGGN), le général Denis Favier, ne l’entend pas de cette oreille. Sans le nommer, il a critiqué, via un billet posté sur son blog, le général Soubelet et sa démarche.
« La publication du livre d’un général de gendarmerie ne peut me laisser indifférent. Je pourrais l’esquiver, la cantonner à une question d’ordre statutaire. Mais ce n’est pas ma manière d’aborder les chose », écrit le général Favier.
« La gendarmerie compte quelques grands commandements et celui de la gendarmerie d’outre-mer est l’un des plus sensibles. Je donne toute ma confiance à ceux qui accèdent à ces responsabilités. Je ne conçois pas que l’un d’eux accepte de telles fonctions pour les dénigrer ensuite », poursuit-il, en faisant une allusion claire au général Soubelet.
« Je crois au courage de dire les choses non pour s’en prévaloir, mais pour faire avancer notre maison dans le souci de l’intérêt général. On peut se battre pour notre budget, nos effectifs et nos moyens, répondre aux mises en cause quand elles sont injustes. On peut le faire sans déformer les faits ni sortir de son rôle. Et pourtant être entendu », ajoute encore le général Favier, pour qui « vendre une polémique, instrumentaliser la gendarmerie et ceux qui la servent, c’est tout ce qu’il ne faut pas faire ».