Un attentat chimique en France est « peu probable » mais « ne peut être exclu »

Le 15 et le 16 mars, le Parlement aura à débattre du rapport sur les « conditions d’emploi des armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population » [.pdf], un document qui, en quelque sorte, justifie le déploiement de 10.000 soldats au titre de l’opération intérieure Sentinelle et explique en quoi les  armées ne doivent pas être perçues comme étant supplétives des forces de sécurité intérieure, tout en précisant leurs règles d’engagement.

« L’engagement des armées sur le territoire national en appui et complément des forces de sécurité intérieure, vise en premier lieu à répondre à un niveau de menace inédit et durable, provoqué et

entretenu par des groupes terroristes d’inspiration jihadiste ayant désormais recours à des modes d’action militarisés. Sans précédent à ce niveau, le danger induit représente une évolution très significative, qu’il s’agisse de la nature de la menace ou de l’échelle à laquelle elle opère », est-il ainsi expliqué dans ce rapport.

Sans surprise, le document pointe la menace d’al-Qaïda et de l’État islamique (EI ou Daesh), c’est à dire les deux organisations qui ont frappé la France en 2015.

Alors qu’al-Qaïda et ses filiales ont été mises sous pression lors de ces dernières années, le rapport souligne que l’affaiblissement de cette organisation « ne se traduit pas par une diminution significative de la menace » qu’elles représentent.

Si l’agenda d’al-Qaïda est, avec ses différentes branches, surtout régional, voire transrégional (Sahel pour AQMI, corne de l’Afrique pour les Shebab, Syrie pour al-Nosra et Yémen pour AQPA), le document note que cette organisation « se doit également de démontrer sa capacité à projeter la menace à partir de ses sanctuaires ou au travers de tiers » et qu’elle continue ainsi à « envisager et à préparer des attentats en Europe ».

S’agissant de Daesh, le rapport note que « son implantation territoriale lui permet d’enraciner et de développer une idéologie totalitaire à visée universelle, qu’il dissémine par l’intermédiaire de ses nombreuses ‘allégeances’ sur la plupart des continents ». Et d’ajouter : « À partir du théâtre syro-irakien, peut-être demain du Maghreb (Libye), Daesh possède des capacités à organiser des attentats sur le sol français mettant en œuvre des modes d’action de plus en plus militarisés et professionnalisés, de type ‘coup de main’ ou ‘opération commandos’, y compris à grande échelle ».

Le document met en avant trois niveaux d’actions terroristes : l’acte isolé, l’action de combattants entraînés usant de modes opératoires militaires, comme on n’a pu malheureusement le voir le 13 novembre dernier, et l’action de « grande ampleur dans le cadre d’une campagne pensée et pilotée depuis l’étranger ».

« Visant une multitude de cibles potentielles – l’ennemi étant la société dans son ensemble, le terroriste dispose d’une totale initiative dans le choix de son objectif – cette menace est non seulement durable mais également susceptible de gagner brusquement en intensité, sous l’impulsion ou avec l’aide directe de groupes étrangers aguerris’, insiste le rapport.

Alors que l’on sait que Daesh a utilisé des armes chimiques – notamment de l’ypérite (ou gaz moutarde) et du chlore – en Syrie et en Irak contre les forces kurdes, le rapport soumis au Parlement évoque cette menace en la minimisant sans toutefois l’exclure totalement.

« Daesh dispose par ailleurs de la capacité à produire de manière autonome des toxiques chimiques. L’introduction sur le territoire national de ce type d’agents paraît peu probable à ce stade compte-tenu des risques inhérents à leur transport (conditionnement particulier pouvant attirer l’attention, ou être l’objet d’une rupture de confinement accidentelle) », est-il estimé dans le document. Mais, y est-il ajouté, « la réalisation de projets de ce genre ne peut être exclue, compte tenu des objectifs, de l’idéologie et des capacités de l’organisation ».

Le mois dernier, le directeur de la CIA, John Brennan, avait dit, lors d’une audition au Congrès, que l’hypothèse d’une attaque chimique en Europe, voire aux États-Unis, était crédible. « « Il est possible que cela arrive. C’est pour cela qu’il est si important de couper les diverses routes de transport et de contrebande que (les jihadistes) utilisent », avait-il affirmé.

D’autant plus qu’il y a eu un précédent, avec la diffusion de gaz sarin dans le métro de Tokyo, en 1995, par une secte extrêmiste japonaise…

D’ailleurs, en février, les autorités marocaines ont indiqué avoir démantelé une cellule de 10 jihadistes (dont un ressortissant français) qui préparait des attentats de « grande ampleur » avec des produits chimiques (mais aussi, a priori, biologiques) contre des lieux très fréquentés à Essaouira et Casablanca.

Il est clair que Daesh cherche à accroître ses capacités en matière d’attaques chimiques et qu’il dispose de spécialistes à cette fin. D’où les actions de la coalition internationale emmenée par les États-Unis.

Le 10 mars, le Pentagone a ainsi annoncé la capture, par l’Expeditionary Targeting Force (ETF, une unité des forces spéciales américaines déployée en Irak), de Soulayman Daoud al Bakkar (alias Abou Daoud), lequel supervisait la fabrication d’armes chimiques pour le compte de Daesh.

Les informations fournies par ce dernier ont permis à la coalition de « mener de multiples frappes aériennes qui ont perturbé et dégradé la capacité de l’EI à produire des armes chimiques », a fait valoir le Pentagone. Selon New York Times, ces raids auraient visé un site de production d’armes chimiques et une « unité tactique » près de Mossoul.

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