L’armée de l’Air étant au taquet, faudra-t-il envoyer des avions de la Marine sur des bases aériennes projetées?

rafalem-20160122

Depuis 2008, l’armée de l’Air a perdu 25% de ses effectifs et réduit le nombre de ses bases de 40% et celui de ses avions de combat d’autant, pour arriver à 180 appareils. Dans le même temps, il n’aura échappé à personne que le rythme des opérations s’est intensifié depuis maintenant plusieurs années et que les missions qui lui reviennent n’ont pas changé.

En clair, l’engagement actuel de l’armée de l’Air va au-delà de son contrat opérationnel, défini par le dernier Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale (LBDSN). Certes, un avion comme le Rafale est multi-rôles, ce qui permet de retirer des appareils jusqu’alors utilisés pour des missions spécifiques. Mais il n’a pas le don d’ubiquité, c’est à dire qu’il ne peut pas être présent à deux endroits différents.

Lors de sa rencontre avec l’Association des journalistes de la Défense, dont la presse généraliste se fait l’écho, ce 9 mars, le général André Lanata, le chef d’état-major de l’armée de l’Air, a fait le même constat que son prédécesseur, le général Denis Mercier : les aviateurs sont au taquet, comme du reste leurs camarades de l’armée de Terre et de la Marine nationale.

Entre la posture permanente de sûreté aérienne, les engagements en opérations extérieures (Chammal et Barkhane essentiellement), le soutien aux exportations (SOUTEX), l’alerte nucléaire, les exercices et les nécessaires vols d’entraînement, le format de l’armée de l’Air semble étriqué. Et c’est sans compter sur le l’indispensable Maintien en condition opérationnelle des aéronefs, qui ne peuvent évidemment être alignés quand ils sont entre les mains des techniciens.

« Avec cette sollicitation, exceptionnelle, dans la durée, l’armée de l’air est aux limites de ses possibilités », a ainsi résumé le général Lanata.

Aussi, à l’heure actuelle, l’armée de l’Air ne peut engager que seulement 18 avions de combat dans les opérations en cours (4 Rafale à N’Djamena et 6 autres aux Émirats ainsi que 8 Mirage 2000D en Jordanie… les 2 derniers Mirage 2000C étant récemment rentrés de Niamey, où ils étaient engagés au titre de Barkhane). À ce total, il faut ajouter les appareils déployés à Djibouti (7 Mirage 2000).

L’une des conséquences est une sollicitation intense des avions engagés et de leurs équipages. Ainsi, a expliqué le général Lanata, les pilotes et les navigateurs officiers systèmes d’armes (NOSA) effectuent, en opérations, « 90 heures de vol en deux mois », soit la moitié du quota qu’ils doivent accomplir en un an. Ils sont donc sollicités trois fois plus qu’en métropole. « C’est sur les aviateurs que reposent toutes les tensions du dispositif », a-t-il souligné.

Si l’on prend tout en compte (usure prématurée, MCO, etc), le CEMAA a fait valoir qu’un avion engagé en opération consomme le potentiel de 5 appareils restés en France. D’où la question : comment faire pour être et durer?

Dans ces conditions, une participation de l’armée de l’Air à une intervention aérienne en Libye risque de poser de sérieux problèmes pour la suite. Pour autant, le général Lanata a admis que des avions français mènent actuellement des missions de reconnaissance au-dessus du territoire libyen, afin de « documenter le théâtre ». Mais il n’est pas question d’aller plus loin.

Si la décision d’intervenir contre la branche libyenne de Daesh est prise, les aviateurs répondront bien sûr présents. « S’il s’agit de se concentrer sur un effet coup de poing pendant six mois, on le fera » a assuré le CEMAA. « Mais après, a-il prévenu, on  s’arrêtera, comme a dû le faire l’armée britannique après l’Irak, et on mettra plusieurs années à s’en remettre. » Sauf à se désengager d’un autre théâtre ou à disposer de moyens supplémentaires, c’est à dire bénéficier « de nouveaux ajustements en termes de personnel, de maintien en condition opérationnelle et de formats de la flotte ».

Cela étant, le Livre blanc sur la défense de 2013 a fixé à 225 le nombre d’avions de combat que doivent aligner les forces françaises. Actuellement, deux flottilles de l’aéronautique navale sont dotées de Rafale M (11F et 12F) et une troisième, la 17F, passera bientôt sur ce type d’appareil.

Étant donné que le porte-avions Charles de Gaulle sera prochainement mis en cale sèche pour sa grande visite périodique, sans doute faudra-t-il envisager de déployer des Rafale de la Marine sur des bases terrestres, comme cela avait été fait pour l’Afghanistan, en 2008.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]